Venezuela

Venezuela : Après la victoire de Chávez, de nouveaux défis pour la révolution bolivarienne

Au moment de mettre sous presse, la victoire de Hugo Chávez sur Henrique Capriles Radonski (candidat de la droite « modernisée ») est confirmée. Si une majorité des citoyen·ne·s véné-zué-lien·ne·s se sont ainsi opposés à un retour en arrière, la révolution bolivarienne se retrouve toutefois, 14 ans après la première élection de Chávez à la présidence, confrontée à de sérieux problèmes. D’abord, un pouvoir ultra-personnalisé qui entrave la formation d’une direction collective portée par l’essor de véritables organes de pouvoir populaire. De ce fait même, l’essor d’une bureaucratie « vivant de la révolution, et non pour la révolution », dont les faiblesses de gestion – lorsqu’il ne s’agit pas de corruption – sont exploitées par l’opposition, qui obtient le score non négligeable de 45 % des suffrages. Enfin, le développement d’une politique étrangère fondée sur la solidarité aveugle avec certains régimes dictatoriaux qui combattent frontalement le mouvement populaire et syndical, comme celui de Kadhafi, hier en Libye, et aujourd’hui, d’Assad en Syrie ou d’Ahmadinejad en Iran (cf. « Cahier Emancipation », « solidaritéS » nº 214). On trouvera ci-dessous un premier commentaire à chaud sur la victoire électorale de Chávez par notre ami Sergio Ferrari, depuis Caracas. (réd.) 

Après la victoire, approfondir le processus bolivarien

 

Avec une différence de 10 % des suffrages, le président-candidat Hugo Chávez (PSUV) a battu, ce dimanche 7 octobre, Henrique Capriles Radonski, candidat de l’alliance oppositionnelle MUD. Cette victoire, qui confirme la vitalité d’un système électoral performant, souligne aussi le besoin de réajuster et de rectifier des aspects de la révolution bolivarienne.

Les similitudes n’avaient pas manqué, particulièrement dans la dernière ligne droite de la campagne qui a pris fin le 4 octobre : Henrique Capriles Radonski invoquait les valeurs chrétiennes, implorant l’appui de Dieu. Le président-candidat parlait de christianisme et de socialisme.

Le candidat de l’opposition a réitéré ses promesses de «progrès pour tous». De son côté, Hugo Chávez s’est explicitement engagé à approfondir les améliorations sociales, en renforçant les plans et les programmes de ses 14 années de gouvernement.

Capriles préconisait la délégation des pouvoirs en affirmant «Voter pour “le maigre?» – c’est-à-dire lui-même – «c’est voter pour vous-mêmes». Le président a utilisé une image similaire, en rappelant toujours «Je suis vous», comme dépositaire d’un mandat obtenu par l’exercice du pouvoir citoyen.

Les différences de contenu sont apparues, lorsque les antagonistes ont voulu identifier le moment politique des résultats du 7 octobre. Pour le porte-parole de l’opposition, «?il faut en finir avec un cycle de 14 années de chavisme», pour tourner la page et rénover ainsi la vie institutionnelle du Venezuela.

Pour Hugo Chávez, «nous jouons les 100 prochaines années de la patrie bolivarienne». Il faut approfondir les succès et les conquêtes avancer dans leur application. Un changement aurait signifié une régression et une menace réelle aux succès populaires.

Les différences entre les deux candidats étaient bien plus marquées en matière d’exploitation et d’approvisionnement pétroliers, colonne vertébrale de la richesse vénézuélienne.

Si, pour Chávez, des changements substantiels de la gestion actuelle (avec un fort contrôle de l’Etat et le renforcement de divers accords internationaux de vente de l’or noir à des prix subventionnés) étaient inimaginables, Capriles prévoyait de reprivatiser certains secteurs. Il a annoncé que «on ne ferait plus cadeau de notre pétrole à quiconque» et que la rente pétrolière serait utilisée au Venezuela et pour les Vénézuélien·ne·s exclusivement : un changement significatif de politique extérieure, plus recentré, renonçant au rôle moteur du Venezuela dans diverses initiatives d’intégration latino-américaines et caraïbes durant les dernières années.

Un choc conceptuel, significatif, expression directe de deux projets, de deux modèles de société et de positionnement international. Chávez estimait en effet qu’une victoire de Capriles signifierait «le retour de la bourgeoisie», avec des plans d’exclusion sociale et une vision néo–libérale.

Durant sa campagne, Hugo Chávez a mis en avant des éléments substantiels quant aux défis prioritaires des prochains mois et des prochaines années.

Tout d’abord, la nécessité d’approfondir la ligne «donner plus de pouvoir au peuple», en créant «les conseils populaires et en organisant les communes urbaines, rurales, sociales, économiques», afin de récréer des formules actives de participation et de pouvoir citoyen.

Un autre concept important concerne la recomposition politique nationale après le 7 octobre. Chávez souhaite que surgisse une direction sérieuse, «qui se présente et qui parle au pays. Je tends la main à cette nouvelle droite». Dans son discours de victoire, dans la nuit du 7 octobre, Chávez a invité l’opposition à un travail commun.

 

Autocritique

 

Mais c’est sans doute l’esprit ouvert et constant d’autocritique dont il a témoigné à de nombreux moments de sa campagne qui a donné à Chávez la différence de suffrages nécessaires.

«Je ne vais pas faillir envers vous dans la prochaine période, je serai un meilleur président grâce à l’expérience accumulée», soulignait-il dans un de ses derniers discours. Il a reconnu les problèmes et les failles de l’actuelle gestion gouvernementale, parmi lesquels : «l’inefficience, le manque d’expérience, le bureaucratisme, le manque de suivi des projets approuvés».

Une nouvelle ère, sans arrogance, avec l’engagement de «davantage d’efficience», revendication centrale des secteurs sociaux les plus inconditionnellement chavistes.

 

Cette philosophie du futur se base sur 3 piliers significatifs :

– Approfondir la participation citoyenne et l’engagement populaire?;

– Ouvrir les portes à de nouvelles formes de communication avec une opposition sérieuse?;

– Assumer de manière autocritique les erreurs de gestion, en garantissant une nouvelle pratique d’efficience. Sinon, l’avenir même de la révolution bolivarienne serait en danger.

 

Sergio Ferrari (à Caracas)

Traduction de l’espagnol : Hans-Peter Renk (à Neuchâtel)