Industrie graphique
Industrie graphique : Le patronat exige une régression historique
En 1979, le Syndicat du livre et du papier (SLP) avait conquis la semaine de 40 heures, ouvrant la voie de la réduction du temps de travail dans le pays. Cette conquête, l’association patronale la remet frontalement en cause dans les négociations du nouveau contrat collectif (CCT) qui devrait entrer en vigueur début 2013.
Depuis l’ouverture des négociations du renouvellement du CCT, Viscom, l’association patronale de la branche, avance deux revendications clefs : le passage aux 42 heures hebdomadaires sans augmentation de salaire et le rabotage sévère d’une série de suppléments salariaux pour les heures supplémentaires, le travail de nuit et du dimanche. Dans une branche où la productivité a augmenté de 22 % ces dernières années et les salaires de 2,1 % seulement, l’argumentation patronale, fondée sur la célèbre « compétitivité », a peine à convaincre.
Car, dans toute l’Europe, l’industrie graphique est dans une crise structurelle, due à une surcapacité de production et à la concurrence des nouveaux médias, qui débouche sur une sous-enchère en terme de prix fatale à de nombreuses entreprises. La « solution » de Viscom va venir nourrir cette spirale infernale, tout en détruisant environ un millier d’emplois ! C’est ce que les patrons appellent « rendre les emplois plus sûrs », selon les termes de la délégation aux négociations.
Par ailleurs, le trio dominant des entreprises du secteur (Tamedia, NZZ et Ringier, qui ont formé Swissprinters) accroît encore cette course à l’abîme en donnant une partie de ses mandats d’impression hors des frontières (Annabelle, 20 Minuten Friday, TV TVtäglich, ex.). De gros clients de l’imprimerie comme la Migros ou les anciennes régies fédérales (CFF et Swisscom) font de même.
Pour tenter de répondre à la politique patronale, Syndicom a convoqué pour début décembre une conférence de branche extraordinaire de l’industrie graphique et emballage. On peut toutefois s’interroger sur le signal envoyé par le dépliant de convocation, qui indique que « par soucis (sic !) de trouver un compromis, Syndicom et Syna seraient prêts à renoncer à d’autres revendications légitimes – p. ex. à l’augmentation des salaires minimaux et à la retraite anticipée dès 62 ans », appelant par ailleurs à soutenir « la solution raisonnable des syndicats ». Comme détermination, on a vu mieux. Certes, la peur règne dans les entreprises, affaiblissant les possibilités de mobilisation. Faut-il pour autant l’accompagner et lui donner raison par avance ?
Daniel Süri
Salaires minimaux : à l’État de compenser !
La fibre sociale du patronat de l’industrie graphique n’est plus à démontrer. Le plan « social » pour les licencié·e·s de Swissprinters à Renens – dont le qualificatif sonne d’autant mieux qu’il est creux – l’atteste une nouvelle fois. Les déclarations du directeur de Viscom, Thomas Gsponer, expliquant durant les négociations que les employeurs n’avaient pas à assurer la survie de leurs employé·e·s par une hausse des salaires, mais qu’il s’agissait-là d’une tâche incombant à l’Etat, représentent toutefois un sommet en la matière. La paupérisation des classes laborieuses est de retour. DS