Penser l'émancipation
Penser l'émancipation : Premier pari réussi
Du jeudi 25 au samedi 27 octobre, à l’Université de Lausanne, ce sont plus de 400 personnes qui ont pris part à la quarantaine d’ateliers et aux deux plénières de la conférence internationale « Penser l’émancipation : théories, pratiques et conflits autour de l’émancipation humaine ».
Rappelons que le comité scientifique et les organisateurs de cet événement entendaient faire connaître des travaux originaux et mettre en réseau leurs auteurs, issus des mondes académique, de l’édition ou des mouvements sociaux, pour confronter leurs approches des enjeux théoriques de l’émancipation. Il s’agissait en particulier de faire fi des barrières dressées par les disciplines, les écoles de pensée, les générations, les réalités nationales, etc., pour favoriser l’examen d’alternatives fortes à l’ordre actuel du monde, dominé par un capitalisme en crise.
La preuve du besoin
Comme nous n’avons cessé de le répéter dans la phase de préparation de cet événement, nous entendions tirer parti d’une relance évidente de la réflexion antisystémique dans le monde francophone, manifeste notamment au niveau de l’édition, en permettant à de multiples initiatives éclatées de se rencontrer et de prendre mieux conscience de leur vitalité et de leur force collective. Dans ce but, notre appel, largement diffusé sur internet, devait permettre à de nombreuses personnes, en particulier des jeunes, que nous ne connaissions souvent pas – et qui ne se connaissaient pas entre elles – de proposer une contribution. Sur quelque 350 propositions reçues, les organisateurs et organisatrices en avaient sélectionné près de 140 en raison de leur pertinence et de leur qualité, dont une trentaine seulement avaient été directement sollicitées.
En plus du comité scientifique, du groupe organisateur et des auteurs de contributions, cette conférence a éveillé un intérêt réjouissant, dont ont témoigné la reprise du programme des cinq demi-journées, mais aussi les échos publiés sur des dizaines de sites et de blogues. De même, le site internet de la conférence a reçu près de 15 000 visites en trois mois. Sur le campus de Lausanne, les cinq ateliers tenus en simultané ont rassemblé un public oscillant entre une quinzaine et une soixantaine de participants chacun, soit une moyenne de 150 à 200 personnes par tranche horaire, que l’on retrouvait aussi dans les séances plénières. Compte tenu d’une certaine rotation du public, ce sont en réalité plus de 400 personnes qui ont pris part à une partie au moins de nos débats. D’ici la fin de cette année, les captations vidéo de la plus grande partie des interventions seront mises en ligne. Il est aussi question de publier rapidement une sélection d’articles rassemblés dans un volume.
Ce n’est qu’un début…
Au-delà de ce bilan encourageant, le véritable enjeu de l’expérience lausannoise est ailleurs. Allons-nous réussir à pérenniser ce processus, c’est-à-dire à tenir une seconde édition de « Penser l’émancipation » en 2013, dans un autre pays francophone, et ainsi de suite en 2014, en 2015 et au-delà ? Il en sera concrètement question dans une prochaine réunion de notre réseau international, le 1er décembre prochain, à Paris. En effet, l’ambition des organisateurs et organisatrices était de poser les premiers jalons d’un processus continu, consistant dans la tenue d’une conférence annuelle, à chaque fois dans une ville différente, ce qui n’exclut pas l’organisation d’événements décentralisés plus réduits – cycles de conférences, petits colloques, etc. Lausanne a montré que c’était possible, la suite nous dira si ce premier exemple sera repris et amélioré, étendu à l’échelle du monde francophone, sur le modèle des conférences de Historical Materialism qui ont essaimé de Londres en Amérique du Nord, en Australie et même en Inde… (voir ci-dessous).
Jean Batou
Marxisme anglo-saxon: HM cartonne
La 9e conférence de Historical Materialism (HM) s’est tenue à Londres, du 8 au 11 novembre.
Trois membres de notre comité de rédaction y présentaient des contributions… Nous en avons profité pour poser trois questions à l’un des responsables de cette revue marxiste britannique, Sebastian Budgen. (JB)
Que représentent les conférences annuelles de HM ?
Ce sont des moments de rencontre qui font le lien entre intellectuels et militants marxistes conscients de la nécessité de travailler sérieusement dans le champ des idées. Cette initiative a été prise, il y a 9 ans, par notre revue, afin de lancer un débat par-dessus les frontières disciplinaires, en œuvrant en lien avec Socialist Register, une revue annuelle fondée en 1964, et avec le Deutscher Memorial Prize, qui honore le meilleur livre écrit en anglais dans une optique marxiste.
Depuis quelques années, HM organise d’autres conférences dans le monde. Peux-tu nous parler de cette transplantation réussie ?
Désormais, des conférences d’HM se tiennent effectivement chaque année en Amérique du Nord, à Toronto ou à New York, mais aussi en Australie, à Sidney ou à Melbourne. En avril 2013, nous tiendrons une première édition en Inde, à New Delhi, portée par la gauche marxiste indépendante, dont Jairus Banaji. Nous avons aussi établi des contacts prometteurs avec l’Allemagne, la Russie, mais aussi le Brésil, pour organiser des événements similaires dans ces pays au cours de ces prochaines années, par exemple à Rio en 2015.
Quel bilan tires-tu de la 9e édition de HM à Londres ?
Nous avons battu nos records de fréquentation avec 920 inscrits. Le public était aussi plus jeune et plus féminin. La participation étrangère était aussi plus nombreuse, en particulier des pays du Sud de l’Europe, mais aussi d’Amérique latine, notamment du Brésil. Au niveau des contenus, nous avions fait un effort particulier pour conjuguer féminisme et marxisme, avec un succès indiscutable, dont témoigne la très forte affluence à la dernière plénière du dimanche, sur le thème : « Genre, travail et reproduction dans la crise ».