Congrès d'Unia et vote du National sur la responsabilité solidaire ? - Pas de quoi se réjouir

Pas de quoi se réjouir

Unia, le plus grand syndicat de ce pays, vient de clore son deuxième congrès ordinaire. Plus de 400 délégué·e·s de toutes les régions de la Suisse ont travaillé sur près de 200 motions devant définir les axes stratégiques du syndicat pour les quatre prochaines années.

Ce congrès devait aussi élire la nouvelle direction (comité directeur) avec les départs annoncés de plusieurs cadres dirigeants à l’origine de la fusion des trois syndicats : SIB, FTMH et FCTA, qui ont créé Unia.

Médiatiquement, on retiendra que, pour la première fois, une femme « seconda » occupe la co-présidence du syndicat Unia. Un changement qui n’est pas des moindres dans une organisation syndicale qui garde encore ses habitudes de gros bras et qui a bien du mal à percer dans un secteur tertiaire fortement féminisé.

On retiendra également les quelques mots du toujours co-président Renzo Ambrosetti qui dans son discours introductif lançait : «Un syndicat qui ne peut pas mener de grèves ni d’action, n’est pas un syndicat. Il n’atteindra rien non plus à travers des négociations.»

Action-surprise sans implication des militant·e·s

On retiendra enfin et peut-être surtout la belle manifestation-chorégraphie sur la Paradeplatz. Une action sensée correspondre à l’avertissement ci-dessous lancé par Renzo Ambrosetti sur la capacité d’action et de résistance du syndicat.

Mais en réalité, cette action résumait à elle seule parfaitement toute l’ambiance de ce congrès et du syndicat. C’était en effet une «action-surprise», parfaitement bien maîtrisée par l’appareil syndical, mais sans qu’aucun·e délégué·e n’ait été averti ou impliqué dans cette dernière. Les délégué·e·s ont ainsi été réduits au rôle de parfaits pantins au service de cette action. On était donc très loin du syndicat prônant le renforcement des militant·e·s et de leur place dans le syndicat.

En outre, cette action visait, qui plus est, uniquement le secteur financier (UBS et Crédit Suisse se trouvant sur ladite Paradeplatz) et prenait ainsi bien soin d’éviter de froisser certains milieux patronaux, comme celui du secteur des machines où le syndicat tente pourtant, à l’heure qu’il est, de renégocier avec une grande peine sa convention collective de travail.

Berset invité… et sifflé !

Médiatiquement on retiendra aussi le fait que le conseiller fédéral Alain Berset a été copieusement sifflé par les délégué·e·s lors de son allocution. Mais, là encore, c’est passer sous silence le fait que la direction du syndicat a choisi de maintenir l’invitation de ce conseiller fédéral, à peine dix jours après que ce dernier ait annoncé la hausse de l’âge de la retraite des femmes et la baisse du taux de conversion du deuxième pilier. C’est passer sous silence aussi le fait qu’on a choisi de lui laisser une tribune de plus de vingt minutes pour plaider… pour un démantèlement du système des retraites !

Alain Berset n’était d’ailleurs pas le seul invité «de marque» au Congrès du syndicat. Parmi ceux-ci figurait aussi Pascal Richoz, le responsable de la division « conditions de travail » du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO)… qui avait annoncé quelques jours auparavant vouloir abaisser l’âge-limite pour effectuer des travaux dangereux pour les jeunes travailleurs·euses. Figurait aussi parmi les invité·e·s Peter Gasser l’homologue de Pascal Richoz en matière de libre circulation des personnes.

Matthey invité… et (trop) bien renseigné

Toutefois, la cerise sur le gâteau aura quand même été l’invitation de Blaise Matthey, directeur général de la Fédération des entreprises romandes (FER), le patron des patrons romands. Et c’est sans doute aussi au nom du partenariat social et de la pleine confiance entre partenaires que la direction du syndicat avait oublié de ne pas distribuer la liste des participant·e·s au congrès aux invités dont Blaise Matthey…

A l’heure où le patronat est partout à l’attaque, à l’heure où les autorités politiques et judiciaires de ce pays minent les droits syndicaux, avait-on réellement besoin de ce congrès-là? Dans cette configuration ?

Avancée ou poudre aux yeux ?

Quelques jours après la clôture du Congrès d’Unia, le Conseil national votait le principe d’une «responsabilité solidaire» dans le domaine de la construction. Une avancée saluée comme une victoire significative par le mouvement syndical pour qui «sans responsabilité solidaire, la libre circulation est remise en question».

Une avancée pourtant, dont les limites sont si énormes qu’on se demande si en lieu et place d’une avancée il ne s’agit pas purement et simplement de poudre aux yeux pour vendre des victoires aux syndicats.

Jugeons un peu : le principe est limité au seul secteur de la construction, il n’y a aucune limite à la sous-traitance, l’employeur principal est dégagé de sa responsabilité s’il peut prouver s’être acquitté de son devoir de diligence et, avant de s’en prendre à l’employeur principal, il faudra d’abord avoir entièrement épuisé toutes les démarches auprès des sous-traitants. Autant dire que, pour retrouver ses droits, un·e salarié·e devra s’engager dans une procédure qui durera largement plus d’une année !

Peut-on se féliciter d’un mécanisme si bancal ?

Jean Masci