Salerno en campagne pour privatiser 022 télégenève

Mercredi 22 mai, la Conseillère administrative du PS, Sandrine Salerno, tentait une « blitzkrieg » à la commission des finances du Municipal de la Ville de Genève. A l’ordre du jour de son assaut, la privatisation du téléréseau genevois 022 Télégenève, connu sous le nom de sa « marque » Naxoo.

En 2006, le conseiller administratif PS Manuel Tornare présentaitcomme suit, au Conseil municipal, l’accord liant aujourd’hui encore la Ville à UPC Cablecom (actionnaire minoritaire) : «maintien absolu de la majorité de la Ville dans le capital de Naxoo […] accès aux services triple play (téléphone, TV et Internet) pour 90% des abonnés réalisé par Cablecom dans un délai maximum de 18 mois […] pénalités de plus d’un million en cas de retard des travaux […]»

Sept ans plus tard, ledit triple play n’est pas réalisé, mais aucune pénalité n’a été infligée à UPC Cablecom qui a failli aux obligations annoncées ! Ce manquement serait une raison suffisante pour casser la convention entre la Ville et Cablecom. Mais le Conseil administratif, à majorité PS/Verts/PDC, propose a contrario de récompenser le partenaire fautif et s’apprête pour cela à spolier la population à qui appartient ce téléréseau, apprécié de ses abonné·e·s.

 

Vote à l’aveugle

Distribuant en commission un contrat de vente de dizaines de pages, qu’elle avait déjà signé dans la journée, anticipant ainsi toute décision de la commission, du Conseil municipal, voire des ci­toyen·ne·s qui seront appelés à se prononcer par référendum le cas échéant, Sandrine Salerno a exigé que la commission se prononce sur le champ, sans avoir pu étudier le document…

Suivie par une majorité en commission, elle y a ainsi fait approuver une vente « les yeux fermés » au grand plaisir d’une droite se félicitant de voir une magistrate PS s’acharner à achever une privatisation entamée par le PLR Maudet.

On comprend mieux cette hâte indécente à l’étude du contrat, car il se révèle scandaleux. Madame Salerno et tout l’exécutif – à l’exception de Rémy Pagani – approuvent dans ce document, non seulement la liquidation de la participation majoritaire de la Ville dans cette entreprise, au profit de la multinationale UPC Cablecom, filiale de Liberty Global basé à Denver, mais prévoient une série de mesures (dont le détail est dans des contrats annexes et secrets) qui entreront en vigueur avant même l’exécution de la vente et qui orchestrent le transfert d’une part de la substance et des clients de Télégenève à UPC Cablecom.

Il s’agit manifestement de tenter de créer une situation irréversible au profit de la multinationale, à qui on confie les « clés de la maison » avant même qu’elle ne l’ait acheté, en bradant ainsi les intérêts de la Ville et des ha­bi­tant·e·s. C’est particulièrement scandaleux, puisqu’en mai Sandrine Salerno avait – en plénum du municipal – démenti un tel transfert anticipé.

Quarteron putschiste à l’exécutif

La signature du contrat s’apparente à un putsch de l’exécutif sous la houlette d’une magistrate qu’un syndicaliste des télécoms qualifiait l’autre jour de «dame de fer» locale. En effet, le contrat de vente programme le démantèlement des postes de travail sur la place de Genève, en planifiant des licenciements autorisés à hauteur de 10 % par an pendant 5 ans, ceci sans compter les « congés-modification » dus à une «harmonisation des termes des contrats de travail» avec les conditions prévalant chez UPC (qui refuse de signer une CCT), ni les départs « naturels » que ne manquerait pas d’induire le chômage technique produit par le transfert d’activités à UPC-Cablecom.

Or en mai 2012, à 65 contre 6, l’ensemble du municipal – à la seule exception de l’UDC – exigeait par un vote formel et nominal qu’en cas de vente «Le repreneur s’engage à conserver les em­ployé·e·s et les postes de travail sur la place de Genève, à maintenir la convention collective de travail (CCT) sans détérioration ainsi que la caisse de pensions actuelle, le tout durant au minimum cinq ans.» Mais ce vote du parlement municipal, l’exécutif s’assied dessus.

 

Décimation planifiée

En plénum du Conseil municipal le 5 juin, Mme Salerno a même eu l’audace, un peu délirante, de défendre ses clauses de licenciement autorisé de 10 % par an de l’effectif de l’entreprise par an, comme étant des clauses de « protection de l’emploi » ! Comme si on expliquait qu’un contrat de travail n’autorisant « que » des baisses de salaire de 10 % par an sur 5 ans, était un modèle de préservation du pouvoir d’achat ou que la décimation pratiquée comme punition collective dans les légions romaines était une mesure bienvenue de soutien à l’espérance de vie de la troupe !

Par ailleurs, comme le souligne Syndicom, dans un tract dénonçant la liquidation de Télégenève distribué le 1er juin et relayant une résolution de l’Assemblée de délégué·e·s nationale du syndicat du 25 mai à Berne qui annonce le référendum, aucune espèce de plan social n’a été prévu pour les licencié·e·s potentiels.

 

Service public: extension à défendre

Mais, au-delà des procédés ou arguments douteux, c’est évidemment sur le fond qu’il faudra revenir, dans le débat et pour gagner – le cas échéant – le vote populaire. Le fond c’est le service public : aujourd’hui, on doit défendre Naxoo pour la diversité culturelle de son offre, pour ses tarifs raisonnables, deux choses, avec l’emploi, que Cablecom pourra remettre en cause.

Un volet de l’argumentaire pour la privatisation, c’est qu’une collectivité publique n’a « rien à faire » dans les télécoms : à nous – au contraire – de défendre l’idée d’un nouveau champ d’extension nécessaire du service public, dans les nouvelles technologies, y compris d’ailleurs celle d’un service « de base » gratuit fourni aux ha­bi­tant·e·s. De ce point de vue, Télégenève et son réseau sont une carte que la Ville se doit impérativement de conserver en main, dans l’intérêt de ses habitant·e·s.

 

Pierre Vanek