Franck Gaudichaud (coord.). «?Amériques latines?: émancipations en construction?» Paris, Ed. Syllepse, 2013 (Les cahiers de l?émancipation)

 

Considérée dans les années 1990 comme un laboratoire des contre-réformes néolibérales – et présentée alors comme un exemple de concepts vaseux tels que « la fin de l’histoire » (Francis Fukuyuma, politologue nord-américain) ou « les utopies désarmées » (Jorge Castaneda, ex-ministre mexicain des Affaires étrangères) – l’Amérique latine «a connu d’importantes mobilisations collectives contre le néolibéralisme, avec parfois des dynamiques ayant abouti à la démission de gouvernements considérés comme illégitimes ou à la remise en cause du pouvoir des transnationales et des oligarchies locales».

Un rappel utile grâce aux contributions contenues dans ce livre (publié en partenariat avec l’association France-Amérique latine). Car la perception des changements survenus dans cette région est trop souvent réduite à l’avènement d’une série de gouvernements issus du «tournant à gauche» de ces quinze dernières années. Or, une analyse plus fine permet de différencier en leur sein des régimes de natures diverses :

Un social-libéralisme (Brésil, Argentine), «combinant une politique volontariste et des transferts de revenus conditionnés destinés aux plus appauvris à d’amples faveurs aux élites financières et à l’agrobusiness»?;

Un modèle « national-populaire » (Venezuela, Bolivie, Equateur), caractérisé par un «retour de l’Etat, de sa souveraineté sur certaines ressources stratégiques, avec parfois des nationalisations et des politiques de redistribution de la rente en direction des classes populaires» (Frank Gaudichaud).

 

Ce tour d’horizon analytique englobe plusieurs pays, du Mexique à l’Argentine, en passant par la Colombie, le Venezuela, l’Equateur, la Bolivie, le Brésil et l’Uruguay. «De nombreux acteurs (indigènes, chômeurs, paysans sans-terre, ci-toyen·ne·s sans toit, travail-leurs·euses et syndicalistes, écologistes, femmes et féministes, etc.) mettent en œuvre une multiplicité d’expérimentations concrètes et alternatives. (…) Dans des contextes variés, surgissent des germes de pouvoir populaire qui cherchent les chemins de l’émancipation»

Cet ouvrage montre «les avancées et les difficultés de ces processus d’expériences participatives et autogestionnaires». Il tranche donc sur les analyses réductrices trop souvent véhiculées par les médias dominants, notamment en Europe. A ce titre, ce livre mérite lecture et réflexion… en attendant la publication d’autres ouvrages abordant d’autres expériences qui n’y sont pas traitées ici, faute de place…

 

Hans-Peter Renk