Bilan de la grève nationale agraire et populaire en Colombie

Le 19 août dernier (v. solidaritéS nº 232), a débuté la grève nationale agraire et populaire, lancée par la Mesa nacional de interlocución y acuerdo (MIA). Un mouvement suscité par la situation précaire de la paysannerie colombienne, fruit des structures sociales existantes et de la politique gouvernementale, aggravée par les conséquences du Traité de libre-commerce (TLC) conclu en 2012 par la Colombie et les Etats-Unis.

 

Ce mouvement – dont le président José Manuel Santos niait jusqu’à l’existence – a fait l’objet d’une forte répression. Mais le 2 septembre, la MIA publiait le bilan suivant :

 

blocage par 15 000 paysan·ne·s de la ville de Florencia (département du Caquete)?;

rassemblement de 10 000 paysan·ne·s à La Nora, Villavicencia?;

blocage des routes centrales du département d’Auraca?;

blocage par 9000 paysan·ne·s de la route allant du Cauca vers Nariño et l’Equateur?;

blocage des routes et arrêt de la production pétrolière dans le département de Putumayo?;

blocage par 3000 paysan·ne·s, dans le département de Tolima, de la route menant au Alto de la Linea?;

grands rassemblements dans le Magdalena Medio, appuyés par les travailleurs du pétrole – organisés dans l’Union sindical obrera (USO) – et les étu­diant·e·s.

répression et gazage d’une manifestation de 10 000 pay­san·ne·s à Barbosa (Etat de Antioquia) par la 4e brigade de l’armée et la police?;

blocage d’autoroutes par les camionneurs qui demandent des solutions à leurs problèmes de travail, au coût du combustible et aux péages exorbitants…

 

Le 7 septembre, un nouveau bilan de la MIA signalait que sept départements du pays étaient totalement bloqués et que des luttes se poursuivaiennt dans 10 autres départements. Une mobilisation nationale était prévue pour le 11 septembre, conjointement avec la coordination étudiante MANE et les en­seignant·e·s, pour exiger du gouvernement une conférence nationale de dialogue et la satisfaction des revendications.

L’enjeu est de taille. En effet, le Congrès colombien débat en ce moment d’une véritable loi de contre-réforme agraire, tendant à augmenter le nombre d’unités agricoles familiales dont peut disposer un même propriétaire. Il s’agit là d’une légalisation de la concentration des terres (notamment pour la culture intensive de la palme africaine), concentration opérée depuis plusieurs années par les groupes paramilitaires, prétendument « démobilisés » sous la présidence d’Álvaro Uribe, mais restés en activité (malgré l’exportation d’une partie d’entre eux au Honduras ou dans la zone frontière avec le Venezuela).

 

Hans-Peter Renk

 

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Álvaro Uribe devra-t-il enfin rendre des comptes?

 

Le 5 septembre, la revue Verdad abierta signalait que le Tribunal suprême de Medellín (présidé par le Juge Rubén Darío Pinilla Cogollo) a demandé l’ouverture d’une enquête contre des civils et des militaires, suspectés d’être impliqués dans les violations des droits humains commises par les groupes paramilitaires. On y trouve les généraux Mario Montoya Uribe (armée) et Leonardo Gallego Castrillón (police).

Mais le plus gros poisson mis en cause est sans aucun doute l’ex-président Álvaro Uribe Vélez: l’enquête portera sur ses mandats de gouverneur de l’Etat d’Antioquia et de président de la République. Or, bénéficiant d’un statut d’immunité comme ex-président, Uribe a échappé jusqu’ici à toute poursuite, malgré les dénonciations du député Ivan Cepeda et du Mouvement des victimes des crimes d’Etat. HPR