Lôzane bougeait!
C’est dans une salle archicomble du cinéma City Club de Pully que 200 lausannois·e·s nostalgiques ont pu assister à l’avant-première du film BOUGE ! de Fred Hausammann. Le documentaire propose une histoire de quelques clubs non-commerciaux de la capitale vaudoise et des luttes collectives qui ont permis leur édification.
A travers une rétrospective historique, nous (re)découvrons ainsi les mobilisations tonitruantes de Lôzane Bouge, en 1980, auxquelles les autorités répondront par une violente répression policière. Mais aussi par quelques concessions avec l’avènement en 1981 du cabaret Orwell, espace autogéré, à la rue Saint-Martin dont l’ambiance survoltée débouchera sur la création de la mythique Dolce Vita une année plus tard.
En parallèle, le réalisateur raconte comment s’est mis en place, plus récemment, le Romandie (à l’initiative de l’association E la Nave Va), le projet municipal de la salle de concert des Docks, tandis que la Dolce Vita devenait l’Espace Autogéré. Il cherche ainsi à comparer trois modes d’organisation culturelle, l’un associatif, l’autre institutionnel, le troisième autogéré.
Ces évènements sont racontés à travers le récit et les témoignages vivants et parfois cocasses de différents acteurs et actrices de la vie culturelle lausannoise, et illustrés par de très belles archives qui nous permettent de revivre les expériences menées par ces pionnier·e·s et militant·e·s de la culture alternative. Ce film permet ainsi de rendre hommage à leurs utopies, leurs luttes et conquêtes mais également de mieux comprendre certains de leurs échecs.
Malgré une analyse un peu faible de la marchandisation de la culture, le film apporte un message important sur la nécessité de se mobiliser et de lutter collectivement pour accéder à des droits, y compris quand il s’agit de ne plus s’ennuyer dans une société dominée par le consumérisme. Comme disait l’une des banderoles de Lôzane Bouge : « Nous ne voulons pas d’un monde où la garantie de ne pas mourir de faim se paie par le risque de mourir d’ennui. »
Le film de Fred Hausammann a dans ce sens le mérite de rappeler que l’on peut tout aussi bien s’amuser et se réaliser en luttant collectivement pour avoir le droit de créer, de rêver, d’explorer, d’organiser, de s’autogérer et de bouleverser l’ordre établi. A plus forte raison dans une société capitaliste qui nous force à croire que consommer et s’amuser vont de pair.
Jorge Lemos