Traversée (auto)routière de la rade et/ou du lac
Traversée (auto)routière de la rade et/ou du lac : Non aux grands projets inutiles!
Cette nouvelle année devrait marquer le retour du débat sur la traversée du Léman. En effet, alors que l’initiative 152 de l’UDC « pour une traversée de la rade » est en cours de traitement au Grand Conseil, solidaritéS réaffirme aujourd’hui son opposition déterminée à tout projet routier ou autoroutier de traversée de la rade ou du lac.
En effet, ces projets, qu’il s’agisse de l’aberrante traversée urbaine de la rade proposée par l’UDC ou d’une traversée lacustre plus en amont, sont d’un autre temps : celui d’un développement basé sur l’automobile individuelle. Pour des raisons écologiques, financières et sociales évidentes, solidaritéS combattra ces grands projets inutiles, aspirateurs à voitures et gouffres financiers, et ceci quelles que soient les prétendues « mesures d’accompagnement » qu’on ne manquera pas de nous faire miroiter.
Davantage de routes = davantage de trafic…
Bien qu’encore trop timide, la tendance actuelle est clairement à une diminution du taux de motorisation des ménages et à une augmentation de la part modale des transports publics au détriment du trafic motorisé individuel, et ce grâce au redéploiement des transports publics mené ces dernières décennies. Ainsi, sur le pont du Mont-Blanc, le trafic privé a diminué d’environ 30 % ces trente dernières années. Ouvrir un nouvel axe routier sur le lac ruinerait toute cohérence et irait à contresens de cette évolution positive : cette nouvelle capacité routière générerait un appel d’air pour le trafic automobile, encourageant à nouveau le recours à la voiture individuelle, avec à la clef un centre-ville au final encore plus engorgé qu’aujourd’hui !
Le CEVA pour rien ?
Comment prétendre encourager le report modal sur le futur RER si l’on offre à ses potentiels utilisateurs·trices un tel développement routier ? Investir un montant supérieur aux coûts du CEVA dans une traversée routière n’a pas de sens : nous n’avons pas les moyens de financer des investissements lourds dans deux systèmes de transport en parallèle !
Un gouffre financier
Les estimations financières pour les différentes variantes de traversées lacustres avoisinent les 3 milliards, sans compter les dépassements (cf. les importants crédits supplémentaires pour la tranchée couverte de Vésenaz). Or, la Confédération a récemment recalé le projet de traversée lacustre, arguant d’un très mauvais rapport coût/bénéfice. Pour un projet régional d’envergure nationale, la totalité de la facture serait donc à la charge des Genevois ! Quant au partenariat public/privé invoqué par les millieux patronaux, la facture n’en sera à terme que bien plus élevée pour les contribuables, les investisseurs privés ne manquant pas de se servir au passage.
Impacts colossaux sur l’environnement
Cette traversée aura des impacts colossaux au moins à ses points d’entrée et de sortie. Le projet de « petit » tunnel sous la rade aboutit en plein centre-ville sur des artères déjà largement bouchées et ne présente strictement aucune utilité. Le projet de « grande » traversée lacustre, quant à lui, s’il est en surface, détériorera définitivement l’un des plus beaux panoramas de la région. Si c’est un projet souterrain qui est retenu, ce sont des zones entières qui seront dévastées par l’arrivée d’une autoroute et son cortège de nuisances (bruit, pollution, bétonnage, destruction du paysage, des espaces naturels, de la nappe phératique, etc.), en particulier une réserve naturelle (Pointe-à-la-Bise). De plus, la rive gauche genevoise, très peu dense, n’a aucunement besoin d’une desserte routière aussi massive !
Vers une réduction du trafic motorisé
On ne le sait que trop bien, le trafic automobile génère d’innombrables nuisances : engorgement des rues, occupation de l’espace public, pollution atmosphérique et sonore, émissions de CO2, accidents, stress, etc. Le seul objectif valable pour résoudre ces problèmes est de viser une réduction importante du trafic motorisé. Ceci est loin d’être irréaliste : plusieurs villes suisses ont pris des engagements chiffrés en ce sens. Suite aux « Initiatives des Villes », à Zurich ou à Bâle notamment, le trafic automobile devra être réduit de 10 % en 10 ans.
Cette réduction n’est possible qu’en agissant sur plusieurs axes :
Développement des transports publics
La prolongation et mise en service de nouvelles lignes de trams, le renforcement des cadences, la priorité aux transports publics dans la circulation, l’achèvement du CEVA, la construction d’un véritable réseau de RER à l’échelle régionale, la baisse des tarifs (avec comme objectif la gratuité), et l’amélioration de l‘offre dans les zones mal desservies, sont quelqus-uns des chantiers prioritaires en matière de transports publics pour les années à venir. Notons qu’un même montant investi dans les transports publics est créateur de bien davantage d’emplois non-délocalisables à long terme que s’il est investi dans des projets routiers.
Encourager la mobilité douce
Le vélo et la marche ont un véritable potentiel de report modal… pour autant qu’on puisse être en sécurité. Or, deux ans et demi après son acceptation en votation populaire, l’IN 144 « pour la mobilité douce » n’est toujours pas mise en œuvre, soi-disant faute de financement… et pourtant, la traversée lacustre la moins chère projetée coûterait rien de moins que 34 fois le budget estimé pour la mise en œuvre de l’IN144 ! (80 millions pour des pistes cylables dans tout le canton, soit seulement 3 % du coût total d’une traversée à 2,7 milliards).
Une vraie politique de stationnement
Pour assurer un report modal effectif, il faut agir sur le stationnement en réduisant les places au centre-ville pour encourager le recours aux P+R en périphérie.
Réduire les distances travail-logement
La congestion du trafic est bien sûr un problème réel pour les usagers·ères captifs de l’automobile, que le développement mal maîtrisé de l’agglomération ainsi que la pénurie de logements et la spéculation contraignent souvent de vivre à des distances toujours plus grandes de leur lieu de travail, trop souvent encore dans des zones mal desservies en transports publics. Ces distances doivent être réduites ! La fuite en avant dans des infrastructures routières ou autoroutières démesurées n’offre aucune solution, bien au contraire. Il faut un changement de cap de la politique d’aménagement : maîtrise du sol par l’Etat, densification des zones villas, garantie d’une mixité des activités (emplois, logements, commerces, loisirs, etc.), construction de logements abordables, lutte contre la spéculation, etc.
Pour combattre ces grands projets inutiles d’un autre temps, mettons en œuvre une autre politique des transports et de l’aménagement !
Thibault Schneeberger