Le procès d'Ivone et Luciano

Le procès d'Ivone et Luciano : Entre désaveu du parquet et criminalisation des sans-papiers

Le 6 mai dernier à Genève, deux travailleurs sans-papiers établis en Suisse depuis respectivement six et sept ans comparaissaient devant le Tribunal de Police. L’enjeu de ce procès était de taille : le Tribunal allait-il, oui ou non, confirmer la sentence du Ministère public qui condamnait le couple de travailleurs, considérés comme récidivistes, à 2 mois de prison ferme pour infraction à la Letr, instaurant par là-même une dangereuse jurisprudence ?

Soulagement, joie et satisfaction, telles sont les émotions qui ont empli les rangs du public à l’annonce du verdict du Tribunal de Police dans l’affaire d’Ivone et Luciano. Les nombreux amis, syndicalistes et défenseurs des sans-papiers présents ont pu respirer, le pire ayant été évité : le Tribunal a désavoué le Parquet genevois en renonçant à la peine privative de liberté, écartant du même coup le début d’une jurisprudence extrêmement néfaste. En effet, le Ministère public avait, suite à une dénonciation de la police, rendu une ordonnance pénale  condamnant Ivone et Luciano à une peine privative de liberté de deux mois. Le procureur avait jugé que cette deuxième condamnation pour infraction à la LEtr devait revêtir l’habit de la dissuasion, puisque les deux travailleurs sans-papiers étaient des récidivistes. Cette décision constituait une première en matière d’infraction à la Letr à Genève et laissait augurer de sombres lendemains pour les travailleurs clandestins. Heureusement, cette nouvelle manière de gérer la problématique des sans-papiers, issue de la politique du Procureur Général Jornot qui entend faire embastiller les travailleurs dits illégaux, n’a pas reçu l’appui du Tribunal de Police. 

Si on peut se féliciter de cette décision qui établit un jugement plus conforme au droit pénal suisse et européen, il s’agit néanmoins de relativiser l’aspect positif de celui-ci. Loin d’une vision progressiste de la justice, la juge a condamné Ivone et Luciano à 240 heures de travail d’intérêt général (TIG). Ainsi, si le principe de l’emprisonnement des sans-papiers n’a pas été confirmé, la logique de la criminalisation de ceux-ci reste fortement ancrée. En effet, la juge n’a pas annulé, ni même réduit la peine, mais a simplement transformé les jours de prison en heure de TIG. En confirmant la durée de la peine, la magistrate a renforcé l’idée que les infractions à la Letr doivent être combattues par des peines lourdes et dissuasives. D’un côté, nos camarades Ivone et Luciano ont eu gain de cause dans leur combat contre la peine de prison. De l’autre côté, le constat doit être fait que la politique inique de M. Jornot, visant à criminaliser les travailleurs sans-papiers et à gérer la pauvreté par la répression, progresse de manière inquiétante.

Moins d’un mois après la fin de la campagne au poste de Porcureur Général, menée par solidaritéS, l’actualité vient prouver la nécessité de continuer les mobilisations et les luttes pour revendiquer une régularisation de tous les sans-papiers, un abandon de la politique migratoire actuelle de la Suisse, une révision de la LEtr et une décriminalisation de la pauvreté. Dans la lignée de la politique de gauche proposée lors de la campagne, nous appelons les forces progressistes à constituer un front large ayant comme objectif la construction d’une alternative au tout-représsif. Nous vous invitons, le mardi 18 juin à 19 h, au 25, rue des gares, pour organiser la suite de notre combat !

 

Pablo Cruchon