Cinéma

Cinéma : «La planète des singes, l'affrontement»

Qu’est-ce que l’humanité ? Ce second opus traitant des origines de la planète des singes, après un premier film réussi (voir solidaritéS nº 194), y répond en creux dans une allégorie qui prend presque des airs de Commune.

Cette superproduction impressionne d’abord par son aspect formel. C’est là la grande réussite du film qui inscrit dans notre mémoire les images puissantes de singes à cheval et surtout la première scène inventant une société simiesque, son vivre-ensemble, ses parties de chasse.

Comme son nom l’indique, l’Affrontement comporte beaucoup plus d’actions que le premier épisode. Le scénario s’en ressent avec les défauts habituels et pénibles du genre : personnages de salauds caricaturaux, dénouements par trop évidents, retournements superflus. Et on ne peut que regretter ces défauts trop présents, car, en creux, ce film aborde des questions intéressantes.

 

Reconstruire une société

Tout le film se construit dans la rencontre entre une société simiesque en construction et une société humaine qui tente de survivre après que la planète a été ravagée par différentes catastrophes. Cette rencontre se présente donc directement sous la forme de l’affrontement, la peur de l’autre étant plus forte que tout. A cet égard, le film jette un regard pessimiste sur ce rapprochement avec l’autre, où seuls certains individus parviennent à percevoir la beauté et la communauté de la rencontre.

Si le traitement d’une espèce humaine aux abois ne possède que peu d’intérêt, la société simiesque interpelle, car elle incarne la volonté de créer une nouvelle société. Le singe révolutionnaire, ayant libéré les autres du joug des humains, tente de construire une société juste, mettant en avant le savoir, l’entraide et des principes moraux, comme le fait que les singes ne doivent pas tuer leurs semblables, et faisant toujours preuve de clémence et de confiance. Cette société idyllique va perdre son innocence dans la rencontre des humains, impliquant des tensions au sein de la société simiesque quant à l’attitude à adopter, l’attaque ou la coexistence pacifique. Une innocence définitivement brisée par le choix de la guerre, ce que le film retranscrit à travers la forte mélancolie qui ressort des scènes de guerre. Cette évolution de la société simiesque va en détruire les aspects idéalistes et l’obliger à chercher des réponses matérielles.

Non les singes ne sont pas bons en soi. Comme des humains, ils ne sont pas déterminés par une nature. L’inéluctabilité de la lutte demande une préparation matérielle de la société à cet effet. Le film donne à voir ce moment de transition où la poursuite idéaliste des principes est vouée à l’échec et nécessite la prise en compte des conditions concrètes. Comment préserver ceux-là quand les conditions de lutte nécessitent organisation et discipline ? Cela pourrait presque faire penser au débat révolutionnaire sur l’expérience de la Commune, de sa répression, des enseignements à en retirer et de la pondération entre principes moraux et nécessités concrètes de la lutte. Qu’adviendra-t-il de la commune simiesque ? Un prochain épisode viendra y répondre en 2016.

 

Pierre Raboud