Loi sur le chômage et L'emploi à Genève

Loi sur le chômage et L'emploi à Genève : Un projet de rupture

Le 3 décembre 2013, la grève des travailleurs·euses en emploi de solidarité (EdS) de l’association Partage se terminait dans l’amertume (cf. solidaritéS nº240). Si le mépris opposé aux revendications des tra-vail-leurs·euses incitait à considérer l’issue de cette grève comme une défaite, une brèche a toutefois été ouverte dans la complaisance politique à l’égard de la dite politique active de lutte contre le chômage des autorités cantonales. La demi-journée de réflexion CGAS-Alternative du 1er février 2014 a ainsi été consacrée en large partie à la problématique du chômage et en particulier au système des EdS. Suite à cette journée, un groupe de travail CGAS-Alternative a été constitué avec mission d’élaborer un projet de loi d’ici à la fin de l’été.

Dans un premier temps, l’objectif était de trouver une alternative au système des EdS, mais il est rapidement apparu que l’ensemble de la politique du chômage était à réviser par voie législative. Plutôt que de réformer la Loi cantonale en matière de chômage (LMC), le groupe de travail s’est attelé à la rédaction d’une nouvelle loi, la Loi en matière de chômage et d’emploi (LMCE). Le projet de loi, signé des trois composantes de l’Alternative, a été déposé le 22 août 2014 au Grand Conseil. Cette date n’est ni le fruit du hasard ni celui du calendrier de rentrée : il s’agissait bel et bien de signaler la continuité avec la grève à Partage en présentant publiquement le projet un an, jour pour jour, après le déclenchement de la grève. La conférence de presse a d’ailleurs été tenue au même endroit que la première conférence de presse de la grève, sur un terrain jouxtant les locaux de Partage.

 

Combattre le chômage plutôt que de le gérer

Le projet de loi enjoint à rompre avec une politique qui se limite à gérer le chômage plutôt que de le combattre ; une politique qui invisibilise une partie des chô­meurs·euses et de­man­deurs·euses d’emploi (les personnes « au bénéfice » d’une mesure d’insertion professionnelle, telle que les EdS par exemple, sortent des statistiques du chômage), qui crée des succédanés de postes de travail favorisant la sous-enchère salariale, et qui reporte une partie de la mission de l’Office cantonal de l’emploi (OCE) sur l’Hospice général. En toile de fond de cette logique gestionnaire, on trouve une définition du chômage comme problème individuel et non comme phénomène économique et social. Il s’agit également d’en finir avec le business de l’insertion qui déploie toute une panoplie de mesures dites de formation ou de soutien à la recherche d’emploi, mais qui rapporte souvent plus aux entreprises qui le pratiquent qu’à celles & ceux qui y sont astreints.

Il est temps d’entendre la critique adressée par les demandeurs et demandeuses d’emploi ainsi que par les acteurs et actrices de terrain, sur l’absurdité de stage sur « comment rechercher un emploi » ou « comment présenter un curriculum vitae » (mesures de formation pouvant être imposées plusieurs fois à la même personne), alors même que des compléments de formation représentant une vraie plus-value et moins onéreux sont refusés par l’OCE.

 

Un projet de loi centré sur les droits

 

Si l’individu est bel et bien au centre du projet de loi LMCE, il ne l’est pas en tant que responsable de son destin professionnel, mais en tant que détenteur de droits : droit à l’emploi, droit à un revenu d’insertion digne durant la période de recherche d’emploi, droit à la formation qualifiante et certifiante à tout âge, droit à un accompagnement pertinent et de qualité de la part de l’office compétent et non de ses sous-traitants, droit à faire valoir son point de vue sur les mesures qui lui sont proposées (par le biais d’une instance de médiation si nécessaire). Les droits du demandeur.euse d’emploi et la responsabilité de l’Etat sont au coeur du programme cantonal d’insertion professionnelle (PCIP) qui constitue un volet important du projet. La responsabilité de l’Etat est également soulignée dans un autre volet du projet : le Programme cantonal de création d’emploi (PCCE) qui appelle l’Etat à créer des emplois dans le secteur public et subventionné – de vrais emplois, avec des conditions de travail et des salaires calés sur les conventions collectives de la branche.

Bien que les travaux menant au projet de loi et à son exposé des motifs aient été conduits avec rigueur et dans une précieuse collégialité entre partis de l’Alternative et syndicats, on ne se fera guère d’illusions sur le traitement que réservera un Grand Conseil de droite à un tel changement de paradigme. Il s’agit, dès lors, de porter également le projet hors des murs parlementaires et de débattre publiquement de la politique de chômage et d’emploi que nous voulons dans ce canton. Une série de débats sont d’ores et déjà à l’agenda et le projet de loi LMCE est à disposition de toute personne intéressée à en prendre connaissance (une information dans ce sens sera mise sur le site web de solidaritéS-Genève).

 

Cornelia Hummel