Bella Ciao!

Deux militantes des « Femmes solidaires » ont tiré leur révérence fin novembre. Giselda Fernandes et Gisèle Thiévent sont parties le même jour, le 23 novembre, après avoir affronté toutes deux, avec rage et détermination, un cancer du sein. Nous livrons ici les témoignages de Maryelle Budry et Anita Cuénod sur leurs parcours respectifs.

Pour la première, née il y a quelque 70 ans, la lutte a duré plus de 20 ans, une victoire somme toute ! Giselda était venue du Brésil, de Porto Alegre exactement, dans les années 70 à Genève. Altermondialiste avant l’heure, elle a milité pour une justice sociale entre le Nord et le Sud, et surtout dans les rangs féministes de Lestime et auparavant du Centre femmes Nathalie Barney.

Nos pensées vont à Eliane Blanc, sa compagne de vie, en lutte elle aussi.

 

Gisèle Thiévent était connue à Genève pour ses multiples engagements, elle n’en était pas moins discrète, mais avec une efficacité certaine et en tous points. A 50 ans et des poussières, elle a laissé son empreinte dans divers domaines d’engagement : l’habitat communautaire avec RHINO, les droits LGBTIQ avec Lestime, l’association lesbienne, et comme élue du Conseil municipal en Ville de Genève de 2003 à 2007. Activités et militantisme souvent menés de front, avec détermination et passion.

Précurseure aussi peut-être, il faut dire qu’en 2003 elle a été élue après une campagne originale dans ces temps-là : en couple avec sa compagne Catherine Gaillard ! Le plus inédit c’est qu’elles ont été élues les deux ! Un signe fort, un début non seulement en Suisse, mais certainement dans le monde… car, elle en était convaincue, un autre monde est possible.

Prof de philo au Collège ESC André Chavanne depuis une dizaine d’années, elle a adoré transmettre sa folle curiosité, ses horizons sans limites, son goût de la justice sociale et surtout son idéal féministe, à ses élèves et à nous, ses amies pour toujours. 7

 

Anita Cuénod

 

En tant que camarades de militantisme, on se confie peu. C’est à la cérémonie d’adieu de Gisèle, organisée par ses parents à l’église catholique de Carouge le 13 décembre, que j’ai appris qu’elle était née dans le canton du Jura dans une famille de 5 enfants, dont le père était fonctionnaire communal, très attaché au service public, qu’elle avait été une enfant gaie, enjouée et précoce, cultivant le sens de la formule dès l’école primaire ! Et qu’elle a joué un grand rôle, comme modèle de liberté et de rigueur, auprès de ses nombreux neveux et nièces.

Catherine Gaillard, sa compagne durant plus de 10 ans, a eu le courage de prendre la parole et de lui rendre un bel hommage devant la grande assemblée hétérogène et improbable : famille chrétienne, artistes, contestataires, lesbiennes militantes, curé, collègues en­seignant·e·s et an­cien·ne·s élèves, politiques, camarades de solidaritéS… Le prénom de Gisèle signifie à la fois « flèche » et « esclave », et c’est avec la détermination d’une flèche qu’elle se dégageait de toute condition d’esclavage, qu’elle luttait pour garder sa liberté, fuyant les assignations, les conformismes, les étiquettes, les attaches trop pesantes. 

Catherine l’a définie par trois mots forts : radicale, anarchiste, créative et a conclu avec ce slogan pour lequel Gisèle a milité toute sa vie : « Un autre monde est possible » !

L’église de Sainte-Croix a alors retenti du chant, hymne à la résistance, nouveau en ce lieu : Bella ciao!

Adieu à la belle navigatrice qui a largué les amarres… 

 

Maryelle Budry