Affaire d'Ayotzinapa
Affaire d'Ayotzinapa : Des Américains d'origine mexicaine manifestent aux États-Unis
Devant la Maison Blanche, une banderole géante proclamait: « Fergus référence à la ville du Missouri où Michael Brown a été abattu par la police et à la ville du Guerrero, au Mexique, où à la suite d’une attaque policière six étudiants ont été tués, 25 blessés et 43 portés disparus.
Les porteurs de la banderole étaient des Mexico-Américains préoccupés par ce qui se passe dans leur patrie, mais agissant aux Etats-Unis. Ils demandent que les EU réduisent leur aide militaire au Mexique car, disent-ils, le matériel est utilisé par la police et les militaires pour des activités illégales en violation des droits humains.
La manifestation a eu lieu le 6 janvier, alors que le président Obama recevait le président mexicain, Enrique Peña Nieto, pour parler principalement de l’économie, de questions de sécurité relatives aux cartels de la drogue, et de l’immigration. Devant la Maison Blanche, toutefois, quelques 200 Mexico-Américains ont exigé la démission de Peña Nieto pour son manque de réaction aux assassinats et enlèvements qui ont eu lieu en septembre à Iguala.
Soutien US à l’armée et à la police mexicaines : STOP !
Les manifestant·e·s scandaient des slogans et portaient des pancartes et des banderoles réclamant justice pour les 43 étudiants de l’école normale rurale enlevés à Ayotzinapa. Plusieurs d’entre eux portaient des bâtons couronnés de fleurs mauves avec le portrait de l’un ou l’autre des étudiants disparus et des informations le concernant. Tout au long de la manifestation, les présents comptaient de 1 à 43 en criant : « Ils ont été emmenés vivants, et c’est vivants que nous voulons les revoir ». Une oratrice a déclaré : « Nous sommes ici pour réclamer justice pour les étudiants d’Ayotzinapa. Nous exigeons que Peña Nieto démissionne ». D’autres ont demandé que la police et l’armée mexicaines, qui semblent être impliquées dans la disparition des étudiants, ne bénéficient plus de l’aide US.
Près d’un dixième de la population mexicaine vit aux USA. Les résident·e·s mexicains et les citoyen·ne·s mexico-américains constituent une forte proportion de la population des USA. En 2013, il y avait aux Etats-Unis 41,3 millions de citoyen·ne·s nés à l’étranger, dont 11,6 millions, soit 28 %, nés au Mexique. Dans le temps, la plupart des Mexicains vivaient dans les Etats du sud-ouest – Californie, Arizona, Nouveau Mexique, et Texas – mais aujourd’hui ils sont partout aux Etats-Unis, avec de fortes concentrations dans les villes de Chicago, Atlanta et New York. D’après le recensement de 2010, sur une population totale de 308,7 millions, on comptait 33,7 millions de personnes de descendance mexicaine.
Une longue histoire de lutte des immigrés
Les immigrant·e·s mexicains ont de tout temps adhéré à des mouvements sociaux et syndicaux depuis le début des migrations de masse du Mexique lors de la Révolution mexicaine de 1910-1920. Au cours des années 1940, les Mexico-Américains ont créé des organisations des droits civiques et, dans les années 1960, il y a eu une forte recrudescence du militantisme parmi les Latino-Américains qui travaillaient dans les champs de la Californie, les zones rurales du Nouveau Mexique, et à Denver, au Colorado. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange nord-américain en 1994, les militant·e·s ont tenté à plusieurs reprises d’instaurer une solidarité transfrontière parmi les travailleurs-euses du Canada, du Mexique et des Etats-Unis.
Les efforts les plus récents des organisations d’immigré·e·s mexicains ont pour but d’obtenir davantage de droits pour les immigré·e·s sans papiers et leur famille, les Mexicain·e·s étant les plus nombreux à être sans papiers aux Etats-Unis. En 2012, sur les 11,3 millions d’immigrant·e·s en situation irrégulière, 6,7 millions venaient du Mexique. Au printemps de 2006, des millions de personnes ont manifesté en faveur des droits des immigrant·e·s – la plus grande manifestation de l’histoire des Etats-Unis, qui s’est malheureusement heurtée au refus des membres conservateurs du Congrès. Les jeunes mexicains ont alors repris le flambeau en s’affichant comme sans-papiers lors de manifestations durant la dernière campagne électorale du Président Obama, et en mettant les démocrates au défi de les arrêter.
Vers une nouvelle étape du mouvement…
Vu leur nombre, beaucoup de Mexico-Américains continuent à parler espagnol et regardent la télévision hispanique, y compris les émissions mexicaines. Ils sont nombreux à suivre avec inquiétude la violence qui a gangréné leur pays depuis la « guerre contre la drogue », lancée par le président Felipe Calderón en 2006, qui s’est soldée par 100 000 morts, 20 000 disparitions, et 1,5 million de personnes déplacées.
Les photos des étudiants d’Ayotzinapa, parues à la télévision, dans les journaux, et sur les pancartes des manifestants partout au Mexique, ont conféré un visage humain aux victimes de la violence des cartels de la drogue et du gouvernement.
Les immigré·e·s mexicains et les Mexico-Américains appartiennent souvent à des clubs locaux, sportifs ou autres, à des églises catholiques ou évangéliques, ou ont leurs propres organisations. C’est grâce à ces groupements qu’une caravane a été mise sur pied pour permettre à une douzaine de parents d’étudiants disparus de se rendre dans 21 Etats et 39 villes, dont 11 capitales, des Etats-Unis pour faire part de leur expérience et de leurs opinions à la communauté mexico-américaine ainsi qu’au public étasunien et aux médias.
Les organisateurs·trices, qui à New York comprennent des cuisiniers·ères, des ouvriers du bâtiment, des étudiant·e·s, médecins, enseignant·e·s, pour la plupart mexicain, mais aussi avec quelques alliés étasuniens blancs, espèrent que la venue de ces personnes aux USA fera pression sur les gouvernements mexicain et américain. Dans le même temps, ils amorcent une nouvelle étape du mouvement militant immigré, mexicain et transfrontière.
Dan La Botz