Hugh Masekela

Hugh Masekela : Chansons de liberté pour l'Afrique du Sud d'aujourd'hui

Le 18 février dernier, au Queens College de New-York, le grand trompettiste sud-africain Hugh Masekela a donné un concert en hommage aux vingt ans de la fin de l’apartheid, accompagné du guitariste et chanteur Vusi Mahlasela. Devant un public composé de nombreux mi­li­tant·e·s anti-­apartheid sud-africains, ils ont joué de nombreux classiques de Masekela des années 1960 et 1970, comme le poétique Grazin’ in the Grass, l’inspirant Bring Back Nelson Mandela ou encore le triste Stimela – the Coal Train. Agé de 75 ans, Masekela reste l’un des plus grands musiciens du monde.

Avant le concert, il s’est exprimé devant un public composé de pro­fes­seur·e·s et étu­diant·e·s à propos des relations entre l’art et les mouvements sociaux. Interrogé sur la situation actuelle en Afrique du Sud, Masekela a répondu : «Nous avons lutté pour la liberté et nous avons obtenu la démocratie: nous sommes encore en train d’essayer de comprendre de quoi il s’agit.» Se gardant bien de mentionner le gouvernement de l’ANC (African National Congress), il s’est néanmoins montré clairement critique envers le régime actuel. Le mouvement pour la liberté, a-t-il déclaré, a ouvert la voie à l’administration, et celle-ci est devenue une sorte de « chasse gardée » : «nous avons obtenu la démocratie, mais quelle est la nature de cette démocratie? Les pauvres d’Afrique du Sud continuent à vivre comme au temps de l’apartheid.»

 

 

Des luttes passées, présentes et futures

 

«La vision qu’ont les artistes engagés dans les mouvements de lutte pour la liberté ne colle pas vraiment avec le nouveau gouvernement, parce que ces artistes continuent d’attirer l’attention sur les injustices», a souligné Masekela. Il a notamment fait allusion au massacre de Marikana du 16 août 2012, quand les forces de sécurité du gouvernement ont assassiné 44 mineurs grévistes (cf. solidaritéS nº 212). Il a comparé la situation actuelle de l’Afrique du Sud à celle des Etats-Unis après les mouvements pour les droits civiques, où la police continue de tirer sur des Africains dans la rue. «Les leaders des mouvements de libération se transforment très souvent en de nouveaux dictateurs, même si cela n’est pas le cas en Afrique du Sud, a-t-il ironisé. Au cœur de l’Afrique du Sud rien n’a changé, les riches continuent d’être riches, les pauvres d’être pauvres.»

Mais Masekela n’a pas perdu espoir, d’une part parce que le peuple sud-africain a lutté durant plus de trois siècles contre la colonisation européenne, et d’autre part parce que le gouvernement est encore jeune. Masekela et Mahlasela poursuivent leur tournée héroïque, entamée en octobre 2014. Masekela avait alors donné le traditionnel discours annuel de la fondation Steve Biko à la London School of Economics, au sujet des luttes anti-apartheid qui se poursuivent aujourd’hui, et du lien entre militantisme et artistes. 

 

Dan La Botz

Traduction, intertitres et adaptation de notre rédaction