NON au «paquet Berset», misons sur l'AVS !

«Refonder l’ensemble de la prévoyance vieillesse sur la solidarité entre actifs·ves et retraité·e·s»

L’AVS est le fleuron de nos assurances sociales. C’était l’un des objectifs de la grève générale de 1918, avant d’être adoptée en votation populaire, 29 ans plus tard, par 80 % de oui (avec une participation de 80 %). Fondée sur la solidarité entre générations, elle a contribué à faire reculer la pauvreté des personnes âgées et à faire chuter massivement leur taux de suicide (de 1947 à 1950, ce taux a reculé en moyenne de 20 %, surtout grâce aux classes d’âge les plus élevées).

Solidaire, l’AVS est aussi très efficace : durant les 50 dernières années, elle a absorbé toujours la même part du PIB (richesse produite), alors que le nombre de pensionné·e·s a plus que doublé, et que l’espérance de vie de la population a crû fortement. Le secret d’une telle réussite : une croissance du PIB toujours largement supérieure à celle de l’espérance de vie (0,5 % par an). Elle a permis l’indexation régulière des rentes et, en dépit des cris d’orfraie de la droite, elle a toujours maintenu une insolente santé financière. En 1997, par exemple, le Conseil fédéral annonçait 15 milliards de déficits à l’horizon 2010, alors qu’elle a fini sur un bonus. On peut douter des nouveaux pronostics qui annoncent 8 milliards de déficits pour 2030… Et aujourd’hui, l’annonce que l’AVS glisse légèrement dans le rouge, alors que les Chambres débattent du «Plan Berset», n’est que pure manoeuvre. En revanche, le 2e pilier est profondément inégalitaire. Les femmes touchent en moyenne 56 % (18 000 francs) de la rente des hommes (32 000 francs). Le ratio des prélèvements sur les salaires et les charges des employeurs varie selon les caisses. La loi ne fixe que des minima très réduits qui s’imposent aux moins biens lotis, tandis que certaines caisses (6 % des caisses du privé, 50 % des caisses du public) peuvent garantir la primauté des prestations (rentes proportionnelles au dernier salaire) grâce à une dose de solidarité.

La gestion démocratique du 2e pilier se limite à appliquer les décisions antisociales de l’autorité, exprimées dans un jargon technique obscur – «taux de conversion», «rendement minimum», «taux technique», «réserve de fluctuation de valeur», «recapitalisation des caisses publiques»… – sans garantir l’indexation des rentes. Depuis 2003, la manipulation de ces variables, sous la pression du lobby des assureurs privés, a conduit à une dégradation impressionnante des pensions. Ainsi, un assuré âgé de 40 ans en 2003 devrait voir son 2e pilier amputé de moitié d’ici sa retraite en 2028, du fait de la péjoration de tous ces paramètres.

Le contenu précis du «Paquet Berset», tel qu’il va sortir de l’arbitrage des Chambres, n’est pas encore connu précisément. Mais une chose est certaine, il comportera trois mesures antisociales phares : l’élévation de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans (refusée en votation en 2004), que la commission du Conseil des Etats propose même d’accélérer sous pression du lobby des assureurs privés ; une nouvelle diminution du taux de conversion de 6,8 % à 6 % (refusée en votation en 2010), qui entraîne une baisse des pensions de 12 % ; et l’augmentation de la TVA de 1 à 1,5 point. On comprend pourquoi la droite ne tarit pas d’éloge pour le conseiller fédéral socialiste.

Cette dérive programmée devrait inciter la gauche politique et syndicale à réfléchir à une véritable alternative, misant sur l’AVS, qui devrait permettre de vivre décemment, comme le proposait l’initiative du Parti suisse du travail «Pour des véritables retraites populaires», lancée en décembre 1969. solidaritéS propose ainsi de refonder toute la prévoyance vieillesse sur la solidarité entre actifs·ves et retraité·e·s, les capitaux du 2e pilier jouant le rôle de fonds de réserve. Grosso modo, la part principale des rentes serait assurée directement par les cotisations paritaires, alors que les subventions fédérales et le rendement du fonds de réserve compléteraient ce dispositif.

Les résultats de nos simulations sont étonnants. Ce système pourrait garantir :

  1. des rentes à 80 % du dernier salaire, avec un minimum de 3500 francs par mois et un maximum trois fois supérieur, soit une augmentation de 13 % de la moyenne des rentes actuelles avec maintien des avantages acquis ;
  2. leur indexation annuelle au coût de la vie ;
  3. un ratio de cotisation identique (1/3 sur les salaires, plutôt que 2/5 aujourd’hui ; 2/3 sur les charges patronales, plutôt que 3/5) ;
  4. Une gestion souple, décentralisée et démocratique.

Le 2e pilier a été une aubaine pour les banques, les assurances privées et les grandes entreprises ; en revanche, il a été une très mauvaise affaire pour les salarié·e·s et les retraité·e·s. Lors de son introduction, nous n’étions pas nombreux à gauche à le dénoncer comme «une escroquerie». Et pourtant, nous avions raison sur toute la ligne, comme l’a montré clairement l’évolution depuis 12 ans. En effet, la solidarité est non seulement plus juste, elle est aussi plus efficace que l’individualisation de la prévoyance. Si nous ne sortons pas rapidement de cette impasse, la grande majorité d’entre nous le payera d’une baisse massive de ses revenus à a retraite.

Jean Batou Jean-Michel Dolivo