Elections fédérales - Genève
Elections fédérales - Genève : Ce n'est pas une défaite...
Sur un terrain général de droitisation de la politique suisse, dans un climat d’offensive patronale menée tambours battants contre les salaires, le temps de travail, les charges des entreprises, les services publics, les assurances sociales… tout ceci au nom du franc fort et de difficultés largement imaginaires de « nos entreprises », la gauche de la gauche n’est pas parvenue à se faire entendre largement sur le plan électoral. Ceci d’autant plus que le fantasme d’une « invasion » massive de réfugié·e·s a largement pollué le débat préélectoral. Boycottée par les grands médias, notre campagne a cependant porté : elle nous a valu une certaine reconnaissance et de nouvelles adhésions.
Il faudra compter avec nous
La configuration des listes ayant changé, il est difficile de comparer les résultats obtenus aujourd’hui avec ceux de la précédente élection fédérale de 2011. Il y a 4 ans, solidaritéS et « La gauche » obtenaient ensemble 5,2 %, tandis que, cette année, solidaritéS et le PDT ont fait un peu mieux avec 6,1 %. Il est vrai qu’il y a 4 ans, le PDT avait réalisé de son côté 1,3 %, et une liste « Gauche combative » avait obtenu 0,8 %.
Globalement, sur le plan comptable, la gauche de la gauche, toutes tendances confondues, a donc reculé. Mais en tenant compte de la non participation de ses plus petites composantes, le résultat de solidaritéS et du PDT marque une certaine stabilité : 6,5 % il y a 4 ans, avec le soutien de « La Gauche », contre 6,1 % cette année, sans « La Gauche ». De surcroît, plusieurs ténors historiques de nos deux partis n’étaient pas en lice, comme Michel Ducommun, Souhail Mouhanna, Jean Spielmann, Pierre Vanek, etc… ce qui n’a pas empêché nos têtes de liste, Jean Batou et Salika Wenger, de faire d’excellents scores.
EAG a fait de bons résultats dans plusieurs quartiers populaires urbains (entre 12 et 14 % aux Cropettes, aux Délices, à Saint-Jean, à Saint-Gervais, à la Jonction, aux Acacias, aux Pâquis), avec une moyenne de 8,8 % en Ville de Genève. Pourtant, si nous atteignons 9,1 % à Carouge, nous ne réalisons que 5 à 6 % à Chêne-Bourg, Lancy, Onex, Meyrin et Vernier, passant au-dessous de la barre des 5 % à Avully, Bernex, Chêne-Bougeries, Plan-les-Ouates, voire au-dessous des 4 % au Grand-Saconnex ou à Thônex. C’est donc au travail politique dans les communes suburbaines que nous devons consacrer plus d’efforts dans la période à venir.
Renforcer une gauche populaire internationaliste
Ensemble à gauche n’a fait aucune concession aux thématiques souverainistes, soutenues, on le sait, par une partie de la gauche antilibérale. Ce n’est donc pas un hasard si, dans une période où nous avons été, avec d’autres, en tête des mobilisations aux côtés des réfugié·e·s, nous avons pu gagner des voix aux dépens du PSG (notre liste jeune faisant par exemple deux fois mieux que celle des JS), tandis que nous en avons sans doute perdu au profit du MCG, qui présentait pour la première fois une « aile sociale » (cf. Enquête de l’Institut Sotomo publiée par la TDG).
Par ailleurs, on regrettera que le groupe des « Communistes » n’ait pas pu prendre part à cette campagne faute de moyens. Dans un tout autre registre, on déplorera le dépôt rocambolesque d’une liste d’Ensemble à Gauche, en marge du processus unitaire, heureusement très rapidement retirée, par l’élue genevoise de « La Gauche » accompagnée de deux membres du DAL. Les élu·e·s de ces formations ont aussi publié un communiqué dénonçant une manifestation de jeunes antiracistes dans les tribunes du Grand Conseil, que Genève Home Information (le journal gratuit distribué tous ménages) a exploité sur une pleine page contre Ensemble à gauche. Voltaire ne disait-il pas déjà : « Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge » ?
Relancer le combat social
En poursuivant leur effort commun en faveur de la fusion de l’AVS et du 2e pilier, contre la RIE III, contre le dumping salarial et des conditions de travail, pour la construction de logements sociaux, pour les droits politiques des étrangers·ères établis aux niveau communal et cantonal, de même que la naturalisation facilitée, pour un plan d’urgence en faveur du climat (transports, isolation des bâtiments, etc.), pour l’égalité femmes-hommes, pour les droits des personnes LGBT, etc., solidaritéS et le PDT ont les moyens de bâtir ensemble une force politique populaire qui compte véritablement à Genève, y compris sur le plan électoral.
Dans l’immédiat, alors que Genève s’apprête à vivre un mouvement de grève de la fonction publique et des maçons d’une grande importance, c’est sur ce terrain-là que la gauche de gauche doit avant tout ce renforcer. Notre programme politique ne pourra en effet conquérir de nouvelles couches de la société que s’il entre en résonance avec une relance de l’action collective sur les lieux de travail, dans les quartiers et dans la rue. Car c’est là bien sûr la source essentielle de notre force.
Jean Batou