Elections fédérales

Elections fédérales : La barre à droite encore!

Au lendemain des élections fédérales de ce 18 octobre, Le Temps titrait : «L’UDC fait une démonstration de force», alors que la Neue Zürcher Zeitung (droite patronale) se félicitait du «retour à la normale». La Wochenzeitung (gauche alémanique) prévoyait pour sa part «quatre ans de glaciation». Bien que portant sur quelques pour cent seulement, la poussée à droite, incontestable, se vérifie moins dans les résultats que dans ce que la campagne électorale dit de la politique suisse.

Soulignons d’emblée que le plus fort parti de Suisse est celui des abstentionnistes. Une nouvelle fois, la participation est restée minoritaire, regroupant 48,4 % du corps électoral. Dans ce cadre, l’UDC arrive en tête et regroupe 29,4 % des votant·e·s (soit 14,2 % de l’électorat).

Sa progression est cependant un peu en trompe-l’œil, puisqu’elle se fait à partir du recul relatif encaissé il y a quatre ans. Ainsi, par rapport à 2007, son meilleur résultat jusqu’alors, son gain n’est que de 0,5 %. Pas de quoi hurler au tremblement de terre électoral. De même, la « victoire » du Parti libéral démocratique (PLR) le fait passer de 15,1 % en 2011 à 16,4 % en 2015, alors qu’il récoltait 15,8 % des voix en 2007. A la clef, trois sièges supplémentaires et 0,6 % de progression par rapport à 2007. Question bouleversement, on a eu vu mieux.

Le rééquilibrage s’opère donc à l’intérieur du rapport de forces électoral apparu dans les années 90, au moment de la montée en puissance de l’UDC. Il se fait cette fois au détriment d’un « centre » autoproclamé et introuvable, regroupant le PDC (-0,7 %), les Vert’libéraux (-0,8 %) et le PBD d’E. Widmer-Schlumpf (-1,3 %). Mais aussi sur le dos de la gauche modérée, les Verts reculant de 1,3 %. Le PSS se maintient (+0,1 %), mais reste toujours sous la barre des 20 % (18,8 % ; il recueillait encore 23,3 % en 2003).

 

 

Quand le marketing fait campagne

 

Cette confirmation du national-­conservatisme de l’électorat helvétique est paradoxalement le mieux apparue à travers le vide abyssal des slogans électoraux : « Renforcez la Suisse ! » pour le PBD ; « Fais-le ! » pour le PDC ; « Prendre le parti de l’avenir, voter vert » pour les Verts ; « Liberté, cohésion et innovation » pour le PLR ; « Pour tous, sans privilèges ! », (comme en 2011) pour le PSS ; « Agir maintenant » pour les Vert’libéraux ; et « Rester libre » pour l’UDC. Sans oublier quelques clips du genre humoristico-gangnan.

C’est dire que la progression de la droite dure s’est faite sur une absence de débat de fond, les thèmes mis en avant durant des décennies faisant maintenant partie, en quelque sorte, du paysage politique officiel. Là est la vraie victoire, la véritable « normalisation » helvétique : il suffit désormais d’une « crise migratoire » européenne plus médiatiquement que réellement présente dans le pays pour que se déclenche un durcissement politique, sans même que les nationalistes de tout poil ne mènent une campagne assidue.

Ce déplacement vers la droite de l’ensemble du champ politique – que l’on pense par exemple aux positions des Eglises sur les débouté·e·s de l’asile en 2004 et à celle de l’Eglise réformée vaudoise actuellement – est le vrai défi auquel nous devons faire face.

Daniel Süri