Pologne

Pologne : Victoire d'étape pour la liberté des femmes à disposer de leurs corps

Le 3 octobre 2016, 100 000 femmes ont fait grève et sont descendues dans la rue en Pologne sous le slogan #czarnyprotest (manifestation noire) afin de protester contre un projet de loi ayant pour objectif de rendre l’avortement totalement illégal. Après trois jours de mobilisation dans tout le pays, le parlement polonais a cédé devant la pression populaire et massivement rejeté cette énième atteinte à la liberté. La rédaction s’est entretenue avec une militante de Poznan et membre d’un groupe informel, W naszej sprawie (pour notre cause) afin d’en savoir un peu plus sur les raisons de cette victoire.


100 000 femmes ont manifesté et fait grève le 3 octobre – Grzegorz Zukowski

Peux-tu nous expliquer les enjeux de la loi qui a poussé plus de 100 000 personnes dans les rues et mis en route une telle mobilisation?

En Pologne, nous avons le prétendu « compromis de l’avortement ». Cela signifie que l’avortement n’est autorisé que lorsque la vie ou la santé de la mère sont compromises, dans les cas de malformation congénitale du fœtus ou si la grossesse est le résultat d’actes illégaux tels que l’inceste ou le viol. Et cette loi, déjà très restrictive, était menacée par un projet de loi déposé par Ordo Iuris (groupe de juristes d’extrême droite). Ce texte postulait une totale interdiction de l’interruptiovn volontaire de grossesse, une forte limitation du diagnostic prénatal et une criminalisation des médecins pratiquant l’avortement. En parallèle, nous récoltions des signatures pour un projet de loi « Ratujmy Kobiety » (Sauvons les femmes!) dans le but de libéraliser l’avortement.

De l’extérieur, nous avons eu l’impression que beaucoup de personnes ont été mobilisées en très peu de temps, en Pologne, mais également au niveau international, dans la rue et sur les réseaux sociaux. Aviez-vous déjà une large base populaire ou un réseau sur le terrain? Est-ce que le contexte politique a pu favoriser une telle mobilisation?

Les femmes étaient sur le qui-vive depuis avril, mais le point de rupture a eu lieu le 23 septembre lorsque la loi de libéralisation de l’avortement citée plus haut a été rejetée par le parlement. L’actrice polonaise Krystyna Janda a publié sur Facebook un article à propos de la grève des femmes islandaises (1975), quelqu’un a suggéré d’organiser des manifestations et tout s’est mis en branle, un peu comme un effet boule de neige.

Nuit et jour, des nouveaux articles étaient publiés sur les réseaux sociaux. Quelqu’un a crée un événement « Femmes polonaises en grève » sur Facebook. De plus en plus de gens ont rejoint le mouvement et organisé des manifestations dans leurs villes. Nous avons également eu le soutien des médias et de célébrités.

Félicitations pour le retrait de cette loi. D’après toi, quelles ont été les raisons qui ont fait le succès de cette mobilisation?

La solidarité. Les femmes ont ressenti un sentiment de camaraderie, de pouvoir et la possibilité d’une émancipation. Nous sommes également témoins d’une sorte de réveil de la société civile polonaise.

Qu’est-ce qui va se passer maintenant? Est-ce que quelque chose de nouveau va émerger de cette mobilisation?

Définitivement, car nous avons gagné une bataille, mais pas la guerre. Notre gouvernement débat encore de la loi contre l’avortement. Nous sommes très vigilantes et nous nous battrons jusqu’à la victoire. Nous avons prévu d’autres activités et évènements, comme ce qui s’est passé le 24 septembre, en l’occurrence, des manifestations, et d’autres choses comme une exposition de photos à l’occasion de l’anniversaire de la grève des femmes islandaises.

Propos recueillis par Jorge Lemos et Maimouna Mayoraz


#CzarnyProtest à Genève

Suivant la vague  de soutien aux mouvements de grève contre l’interdiction quasi totale de l’avortement en Pologne rassemblée sous le mot-dièse #CzarnyProtest, une mobilisation partie des réseaux sociaux a réuni une trentaine de femmes et de sympathisants de leur cause à Genève le lundi 3 octobre dernier.

Répondant à l’appel du rassemblement, les militant·e·s étaient venus habillés tout en noir, afin de symboliser le deuil du droit des femmes qu’aurait représenté ce nouveau durcissement des conditions d’accès à l’IVG en Pologne, déjà largement restreint.

Cette mobilisation, composée en grande partie de femmes d’origine polonaise, entendait à la fois participer comme relai des événements ayant lieu en Pologne pour sensibiliser l’opinion publique et offrir un témoignage de soutien aux femmes en lutte sur place. Distribution de tracts et pancartes à l’appui, ce moment de rassemblement a rencontré la sympathie des passant·e·s.  AS