Exposition

Exposition : Les murs ne servent à rien

C’est sous ce titre qu’une exposition collective à l’Usine Kugler (Genève) revient sur la question des migrant·e·s et des frontières. A travers différents films, des installations vidéo, des dessins et peintures ainsi que des soirées de débat et de projections, l’intention est, selon les curatrices Stéphanie Prizreni et Chloé Peytermann, de «faire émerger la complexité de la situation actuelle, mais aussi rendre palpable ce que ces personnes qui arrivent en Europe traversent, et les conditions dans lesquelles ils sont ‹ accueillis › dans plusieurs endroits du monde. Une façon de leur rendre un peu de leur humanité, de leur identité, face aux discours de peur, de haine, et de rejet. Tenter de questionner ce moment que vit notre monde, pour amener chacun à s’interroger sur sa façon d’appréhender les personnes en exil, et tenter de déconstruire les préjugés pour ouvrir la voie à un accueil digne et pacifique de ces personnes dans notre société.»


Arianne Arlotti

Nous reprenons ici  la présentation du travail A la Frontière. Destination Checkpoint Propos sur le vif – 2, d’Ariane Arlotti, photographe et vidéaste, qui fait partie des artistes exposés:

«  En avril 2014,  j’ai parcouru plus de 28 000 kilomètres à travers l’Europe avec Destination Checkpoints On Tour, un projet sur l’esthétique sécuritaire initié en Palestine où la guerre et le business sécuritaire fleurissent au quotidien.

J’ai commencé par la Belgique, puis j’ai continué ensuite vers le nord de la France dans le but de m’arrêter à Calais à la rencontre de quelques-uns des si nombreux indésiré·e·s de l’Europe. Prendre des images dans ce contexte était forcément synonyme d’interroger le droit universel et de retourner aux sources des inégalités: pourquoi eux et pas moi? Des questions de ce type, il y en a eu beaucoup qui se sont peu à peu ajoutées à celles que j’avais moi-même posées à d’autres en Palestine: Vous sentez-vous en sécurité! Qu’est-ce que la sécurité! Qu’est-ce que l’esthétique sécuritaire! Qu’est-ce que la frontière! .

Au fil de mon tour d’Europe, j’ai continué à poser ces questions, comme une ritournelle, aux personnes que je rencontrais et j’ai, en contrepartie de leurs réponses, noté leurs interrogations personnelles de manière à ce que chacune de ces personnes participe à cette vaste réflexion sur la sécurité, la frontière et la migration. En parallèle, j’ai également recueilli avec minutie toutes les questions ‹ sécuritaires › des forces de l’ordre, des douaniers et des diverses autorités compétentes en matière de ‹ sécurité ›.

La route des migrants

En janvier 2014, après avoir rayonné dans les Balkans j’ai cherché la route des migrants, des exilé·e·s, des courageux·euses, des survivant·e·s qui, arrivés jusqu’en Serbie, essayent à pied et par tous les temps de rentrer dans l’espace Schengen. Alors que moi, je descendais vers le sud, eux essayaient de remonter vers le nord: la route de migrant·e·s s’est imposée à moi.

Après les Balkans, j’ai continué en direction des checkpoints méditerranéens: la Grèce, Athènes, Patras, Igoumenitsa… puis l’Italie et la Sicile, points névralgiques de l’industrie sécuritaire et des flux migratoires vers l’Europe.

Une semaine plus tard, j’avais rejoint l’Espagne, Barcelone, puis j’étais descendue jusqu’à Ceuta, l’enclave espagnole en Afrique.

En passant à Almeria, j’ai rencontré des travailleurs·euses africains dans les serres de plastiques. L’un d’eux m’a expliqué qu’ici, tous les matins la bénédiction du jour c’était: la crise. C’est à cause de la crise si tu travailles là! C’est à cause de la crise si je ne peux pas te payer plusla crisela bénédiction de la crise. Et dans cette mer de plastique, on ne voit quasiment que des Africains travailler tant la crise est grande.

A la rencontre des dispositifs de contrôle

Des checkpoints palestiniens, je suis donc allée à la rencontre des checkpoints européens. A la rencontre de ces dispositifs de contrôle et de sécurité qui nous confrontent aux fondements des sociétés impérialistes du 21e siècle.

L’urgence, l’urgence comme méditation quotidienne, l’urgence de survivre, accueillir en urgence, l’argent de l’urgence, le profit de l’urgence. J’ai installé mon ambulance palestinienne et projeté mes vidéos dans la majorité des villes traversées ou dans lesquelles j’ai séjourné au gré des possibilités que je rencontrais, souvent aux points névralgiques, sur les places centrales, aux arrêts de métros ou encore devant les monuments emblématiques.

A la frontière Destination Checkpoint – Propos sur le vif – 2 est le fruit de cette tournée de 6 mois. Dans une installation vidéo de 120 min, la parole des uns fait place à celle des autres, la rencontre des uns engendre la parole des autres. Chaque personne rencontrée aura échangé, répondu, partagé sur ce que c’est que de vivre et penser dans un pays délimité ; comment se sentir en sécurité et où résister et pour quelle liberté à l’époque de la globalisation, dans une Europe forteresse ou le business de la sécurité ne se laisse pas détrôner et contrôle les flux migratoires des gens. »

Ariane Arlotti

Exposition: → 30 octobre
me → di 14 h → 19 h
Usine Kugler, rue de la Truite Genève

Le projet possède un site internet: destinationcheckpoints.com.

Y sont notamment présentés différentes vidéos et récits de voyage.