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International : La question palestinienne toujours sous attaque

L’affaire du séminaire censuré à la HEP rebondit. Dans une récente interview, Jacques Ehrenfreund a pointé du doigt l’historiographie militante. Mais quel ordre défend-il sous couvert de neutralité scientifique?


Le camp de réfugié·e·s palestinien·ne·s de Nahr el-Bared, Liban, 1952

Au mois de juillet 2018, le séminaire de formation « 1948: connaître et enseigner la Nakba palestinienne » de la Haute école pédagogique (HEP) vaudoise, destiné à des enseignant·e·s d’histoire du secondaire, a été suspendu puis repoussé après l’intervention de la conseillère d’État socialiste Cesla Amarelle. L’affaire continue. Jacques Ehrenfreund, professeur d’Histoire des Juifs et du judaïsme à l’Université de Lausanne, était déjà intervenu pour appeler à un enseignement plus « équilibré », « avec des historiens spécialistes et pas des militants », mettant ainsi opprimé·e·s et oppresseur sur un pied d’égalité (Le Courrier, 24.10.2018). Il est revenu à la charge dans une interview le 10 décembre.

Antisionisme = antisémitisme?

Il y déclare notamment qu’il y a continuité entre antisionisme et antisémitisme dans plusieurs cas, comme dans la remise en cause du droit d’exister de l’État d’Israël, et ajoute que les critiques vis-à-vis d’Israël « servent souvent de paravent à la haine des Juifs ». Cette position est proche de celle de la classe dirigeante israélienne et de certains États occidentaux. Elle sert surtout à décrédibiliser et stopper les critiques sur les crimes continus de l’État israélien.

Or il est impératif de dénoncer la politique criminelle des différents gouvernements israéliens et d’insister sur le fait qu’il est peu probable que la question palestinienne et celle de la population juive d’Israël se résolvent sans le démantèlement de l’État israélien d’apartheid, colonial et d’occupation, et l’établissement d’un État démocratique, socialement juste et laïc. Un État dans lequel tout·e Palestinien·ne, réfugié·e interne ou dans des pays étrangers, pourra choisir de vivre. Adopter une telle position ne relève pas de l’antisémitisme.

Neutralité académique?

Dans son interview, M. Ehrenfreund a aussi réitéré sa volonté d’« éviter qu’une salle de cours ne devienne une arène militante », même s’il qualifie lui-même l’État d’Israël de « démocratie comme les autres » malgré son caractère colonial évident et son régime d’apartheid. Mais la question n’est pas tant de savoir qui milite ou pas – même s’il est évident qu’en utilisant le terme « militant », on cherche à délégitimer le caractère scientifique des recherches avec lesquelles on se trouve en désaccord – mais plutôt de savoir quel ordre on défend. Comme l’intellectuel italien Antonio Gramsci le soulignait, il n’existe pas de classe indépendante d’intellectuels: chaque classe a les siens. À l’université, certain·e·s participent, par leurs travaux ou leurs discours, à normaliser voire maintenir des systèmes politiques injustes.

En ce qui nous concerne, en dépit des tentatives – nullement originales – d’étouffer les critiques sur l’État israélien, nous maintiendrons nos campagnes de solidarité avec le peuple palestinien, pour sa libération et son émancipation.

Joe Daher