Nucléaire

Nucléaire : Ultime sursis pour un condamné

Le 27 novembre dernier, un peu plus de 54% des votant·e·s refusaient l’initiative « Pour une sortie programmée du nucléaire ». Retour sur un échec à mettre – entre autres – sur le compte d’un mouvement anti-atome par trop atone.

Malgré des sondages  plutôt favorables, malgré un Oui à Genève, Vaud, Neuchâtel, Jura et Bâle, une majorité a fini par refuser la sortie très progressive du nucléaire d’ici à 2029. Alors que certain·e·s rappelleront qu’au dernier vote sur ce sujet en 2003, les Suisse·sse·s avaient accepté la sortie du nucléaire à seulement 33%, et que le score de plus de 45% en 2016 est plutôt honorable en comparaison, nous devons tirer les leçons de l’échec de cette initiative lancée peu après la catastrophe de Fukushima.

Trop rapide ou trop lent?

D’une part, la promesse des autorités fédérales d’une sortie du nucléaire donnée pour acquise avec la « Stratégie Energétique 2050 » coupait l’herbe sous les pieds des initiant·e·s qui plaidaient pour une sortie simplement « plus rapide ». Or l’échéance de 2029 qui résultait du texte de l’initiative posait aussi problème: est-il vraiment «raisonnable» d’attendre si longtemps? En fait, avec une énergie aussi dangereuse, générant des déchets dont personne ne sait que faire, la seule exigence raisonnable serait d’exiger l’arrêt immédiat de toutes les centrales. Paradoxalement, alors que la droite a axé sa campagne contre cette échéance jugée « trop rapide », on pourrait plaider a contrario que l’initiative leur donnait implicitement raison: si on peut attendre 13 ans pour en finir avec cette énergie mortifère, finalement pourquoi ne pas attendre encore un peu plus?

Une campagne un peu timide

En plus de cet escamotage d’une urgence pourtant bien réelle, on peut souligner la faiblesse relative de la campagne pour le Oui où des visages d’enfants surmontés d’un slogan inoffensif nous expliquaient que «Jonas» ou «Amélie» n’ont «pas besoin du nucléaire». Alors qu’on pouvait potentiellement axer la campagne sur les dangers mortels bien réels encourus par cette population très dense à proximité immédiate du parc nucléaire le plus vieux de la planète, alors que la droite n’hésite pas à jouer sur les peurs en multipliant les slogans aussi mensongers que grossiers à chaque campagne de votation (ici prétendant que le courant serait coupé en hiver), l’impact de ce concept de communication paraissait ici pour le moins… faible.

Un mouvement antinucléaire à relancer

Mais cet échec s’explique surtout par la faiblesse du mouvement antinucléaire sur le terrain ces dernières années, à l’exception de quelques marches en Suisse alémanique. Sans doute pour part engourdi par les promesses officielles de renoncer à construire de nouvelles centrales (encore qu’il suffisait d’écouter certains relais du lobby nucléaire durant la campagne pour se convaincre qu’une bonne partie de la bourgeoisie n’y a pas du tout renoncé), mais aussi par l’aspiration de nombre de militant·e·s écologistes vers le terrain institutionnel ou vers d’autres luttes environnementales, le mouvement antinucléaire de terrain a perdu de sa vigueur. Face à ce constat, dans lequel nous devons reconnaître notre part de responsabilité, une relance du mouvement antinucléaire sur le terrain s’impose. Nous en serons!

Thibault Schneeberger