Fukushima, un autre mur inutile

Six ans après, la catastrophe de Fukushima traîne son lot d’incertitudes pour les habitant·e·s déplacés, pour les personnes exposées aux radiations ou aux matières contaminées, sur l’avenir du site, des déchets hautement radioactifs et de 250 000 tonnes d’eau contaminée.


Fuba Recorder

Un cas exemplaire  de la toxicité de cette industrie du mensonge et de la mort, dont les assurances de sécurité sont régulièrement mises en cause par les incidents et les accidents survenus dans ce secteur.

Quelles prévisions?

Le complexe de Fukushima, constitué d’un ensemble de 6 réacteurs a été construit en bordure de l’océan Pacifique, à une altitude comprise entre 6 et 10 mètres au dessus du niveau de l’eau. Pour le protéger d’une submersion en cas de marées, un mur de 5,7 mètres avait été construit. Les « expert·e·s » n’avaient pas prévu et n’avaient pas voulu accepter l’hypothèse d’une vague plus haute. La force du tremblement de terre qui provoqua le tsunami du 11 mars 2011 n’entrait pas dans les prévisions. Or, la vague avait une hauteur de 15 mètres. Le mur de protection fut submergé et la centrale avec.

Dans toute construction, des marges de sécurité sont destinées à prévenir l’incertitude des calculs de résistance des matériaux. Dans le cas de Fukushima, ce principe de précaution n’a pas été retenu. Evidement, on se doute qu’un mur de 15 ou 20 mètres, au lieu de 5 mètres, aurait eu un coût bien plus important pour l’exploitant TEPCO. En plus, une centrale entourée par un mur si haut montrerait un site menaçant et fragile à la fois. Pas vraiment rassurant.

Mais, le réacteur numéro 1 a été mis en service en 1970. Or, si à cette époque les prévisions sismiques pouvaient justifier un mur de protection aussi bas, en 2011 ces arguments pouvaient davantage être critiqués et remis en cause. Le nombre de catastrophes, provoquées par des évènements climatiques, ne cesse de croître dans tous les domaines (précipitations, tempêtes) et aurait dû éveiller les réactions politiques. Cette passivité est d’autant plus choquante que TEPCO venait d’obtenir, moins d’un mois avant la catastrophe (en février 2011), la prolongation de l’exploitation pour 10 ans!

Visiblement, TEPCO a obtenu cette autorisation sans devoir beaucoup investir dans le renforcement de la sécurité et de la prévention. Non seulement le mur de protection n’a pas été surélevé, mais les systèmes de secours de refroidissement des réacteurs n’étaient pas adaptés à résister à un tremblement de terre suivi d’une inondation destructrice. Un tel scénario n’avait tout simplement pas été prévu, aussi surprenant que cela puisse paraître pour un pays exposé comme le Japon.

La commission de la Diète (parlement) établira dans son rapport de juillet 2012: qu’«une multitude d’erreurs et de négligences délibérées ont laissé la centrale de Fukushima démunie devant les évènements…» et évoque également «de graves lacunes dans la gestion de l’accident par TEPCO, les régulateurs et le gouvernement. »

Secret et mensonges

Cette impréparation s’accompagne d’une autre pratique tout aussi grave de conséquences. Le mensonge et l’omission sont présents en permanence dans l’information fournie au public, aussi bien par TEPCO que par les instances gouvernementales. La gravité de la situation est systématiquement niée ou minimisée. Exemple grossier. La plupart des observateurs·trices avertis avaient déduit assez rapidement que les cœurs des réacteurs avait fondu et percé les enceintes de protection, en sachant que l’absence totale de refroidissement provoque la fusion de la matière radioactive et son écoulement. Or, TEPCO a mis 10 semaines pour reconnaître ce fait aussi évident que dramatique.

En 2003 déjà, le gouvernement avait ordonné l’arrêt de tous les réacteurs de TEPCO suite à la découverte de documents falsifiés sur des fissures dans les installations et pour avoir caché ainsi des accidents nucléaires. Cette pratique du mensonge est donc inscrite dans les gènes de la maison.

Un tel accident (fusion du cœur du réacteur) est grave par l’environnement qu’il créé rendant toute intervention de réparation et de confinement extrêmement difficile sur le plan technique et extrêmement risquée pour les personnes chargées d’y intervenir. La radioactivité, mortelle directement dans certaines zones, la chaleur, les gaz, les destructions de beaucoup de systèmes d’alerte et de protection en font un enfer, bien plus dangereux et critique qu’un incendie ou un accident chimique.

Le ministre de l’intérieur japonais a du s’excuser publiquement pour avoir menacé les pompiers qui ne voulaient pas être volontaires pour certaines tâches. TEPCO est plus persuasive. Elle emploie massivement des travailleurs externes, donc plus dociles, sur le site de Fukushima, 1108 employés fixes et 9195 employés de sous-traitants en 2008.

Nationalisation de la sortie du nucléaire

Une des conclusions politiques à tirer de cette catastrophe est qu’il faut retirer la gestion de ce secteur à la loi du secret par une nationalisation de ces entreprises atomiques et un contrôle démocratique renforcé. Le démantèlement et la surveillance des anciennes installations ne pourront être confiés au secteur privé, pour qui cette étape n’a aucune rentabilité, sauf peut-être pour facturer de nouveaux services.

Les demandes de dédommagement pour l’arrêt des centrales actuellement en activité sont une mascarade arrogante, alors que les coûts de ces mises hors d’activité sont grandement sous-estimés et pas assurés financièrement. Ces demandes illustrent bien tant la fuite en avant des partisan·ne·s du nucléaire, que leur absence totale de scrupules. Elles justifient pleinement une nationalisation sans indemnités!

José Sanchez

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