Remboursement des soins dentaires

Remboursement des soins dentaires : Le Conseil d'État refuse une véritable assurance sociale

Le Conseil d’Etat vaudois a présenté son contre-projet à l’initiative populaire cantonale de solidaritéS et du POP « Pour le remboursement des soins dentaires ». Cette dernière propose la mise sur pied d’une assurance pour un remboursement intégral des soins de base bucco-dentaires. Refusant ce progrès social et sanitaire, le gouvernement y oppose un contre-projet comprenant des mesures dites « ciblées » ainsi que des remboursements partiels pour certaines catégories de la population. Il appelle à refuser l’initiative. La votation aura lieu en septembre 2017.


Le contre-projet du Conseil d’Etat est lacunaire

solidaritéS, le POP  et leurs al­lié·e·s ont déposé en juillet 2014 une initiative populaire avec plus de 15 000 signatures demandant la création d’une assurance publique cantonale de remboursement des soins dentaires. Alors même que le besoin d’une couverture d’assurance pour les soins dentaires est ressenti fortement par la population, le Conseil d’Etat aura attendu plus de deux ans et demi pour présenter un contre-projet, retardant encore le vote populaire sur l’initiative.

Pourtant, le Département de la Santé et de l’Action Sociale (DSAS), dirigé par P-Y. Maillard, publiait en août 2016 une étude démontrant que «des différences notoires sont relevées en matière de fréquentation des dentistes selon la situation économique du foyer». En 2013, l’Office fédéral de la statistique établissait à 5% la proportion de la population de plus de 16 ans qui renonce à soigner ses dents pour des raisons financières. Un pourcentage qui s’élève à 13% pour les personnes pauvres ou risquant de le devenir. Situation préoccupante, quand on sait les répercussions qu’ont la détérioration de la santé bucco-dentaire sur d’autres aspects de la santé (pathologies cardio-­vasculaires, infections respiratoires, etc).

Pour une couverture intégrale

En Suisse, les personnes paient de leur poche 89% de leurs frais de soins dentaires, quand la moyenne des pays de l’OCDE est à 54%. Une situation intenable pour de très nombreuses personnes, que l’initiative propose de résoudre par une couverture sociale intégrale de la santé bucco-dentaire. Si elle est acceptée, l’assurance sociale pour le remboursement des soins dentaires s’appliquera à toutes les personnes domiciliées dans le Canton de Vaud: elle couvrira ainsi l’entièreté des soins dentaires de base pour toutes et tous.

Son financement sera identique à celui de l’AVS, un système qui a fait ses preuves et qui est le plus solidaire, car proportionnel au revenu. Il consistera en un prélèvement paritaire d’un maximum de 1% sur le salaire (0,5% part de l’employeur, 0,5% part de l’employé·e). En plus, la politique sanitaire cantonale financera la part des coûts relevant des personnes ne cotisant pas à l’AVS ainsi que la mise en place de policliniques dentaires régionales et d’une politique de prévention.

Un contre-projet lacunaire

Le Conseil d’Etat à majorité rose-verte a formulé un contre-projet très limité pour barrer la route à l’initiative: une série de mesures et de remboursements partiels, réservés à des catégories ciblées de la population, accompagné d’une politique de prévention renforcée. Les enfants de moins de 16 ans pourront disposer d’un examen bucco-dentaire gratuit tous les deux ans, et 50% des frais seront remboursés jusqu’à l’âge de 18 ans. Un bon de 200 francs sera octroyé à chaque naissance pour encourager la conclusion d’une assurance privée dès la naissance. Mais l’orthodontie, essentielle à la santé de nombreux·ses enfants, mais très onéreuse, ne sera pas prise en charge.

Une fois atteint l’âge adulte, les frais de santé dentaire excédant 3% du revenu net seront remboursés. Une franchise de 600 francs ainsi qu’un plafond de remboursement à 5000 francs a néanmoins été fixé. Autrement dit, nous paierons au minimum encore chaque année les 600 premiers francs, ainsi que tout ce qui dépassera 5000 francs. Quand on sait que chacun·e dépense en moyenne environ 400 francs par an pour ses soins dentaires, autant dire que l’essentiel des frais ne seront pas remboursés… Une personne ayant un salaire net de 5000 francs devra assumer elle-même jusqu’à 2000 francs annuels, alors que la retenue de 0,5% sur le salaire, prévue par l’assurance, ne représenterait que quelques 350 francs au maximum, sur son salaire brut.

Enfin, des mesures seraient également prises pour les personnes âgées. Prévention et dépistages seront intégrés dans les soins à domicile ou dans les EMS. Avec un coût total de 38 millions de francs, financé par une retenue sur le salaire de 0,06% (non-paritaire, donc 0% sur la part de l’employeur) et complété par une taxe sur les boissons sucrées, ce projet ne remboursera dans les faits que 10 à 20% des frais de la santé bucco-dentaire.

Répondre aux besoins de toutes et tous en matière de santé bucco-dentaire: une priorité!

Peut mieux faire! Un gouvernement dit « de gauche » aurait dû et pu se saisir de la proposition d’initiative, largement soutenue dans la population. Le contre-projet constitue certes un pas en avant, mais il est largement insuffisant et freine une opportunité de progrès. Il laissera sur le carreau des personnes qui doivent choisir entre boucler leur fin de mois ou assurer leur santé bucco-dentaire et celle de leur famille. De nombreux parents continueront à devoir utiliser leurs maigres économies pour financer les appareils dentaires de leurs enfants.

Enfin, le contre-projet met complètement de côté la question du contrôle des coûts et des prestations effectuées, laissés à la libre appréciation du dentiste privé, dans la plus totale opacité. Une assurance publique permettrait un meilleur contrôle des factures et des soins octroyés.

Pierre Conscience