Vague de droite et d'extrême droite aux Pays-Bas

Vague de droite et d'extrême droite aux Pays-Bas : Les conditions de la riposte mûrissent

Les résultats des élections aux Pays-Bas ont suscité l’enthousiasme de dirigeant·e·s européens et de médias internationaux. Beaucoup craignaient que l’islamophobe d’extrême-droite Geert Wilders emporte les élections, lui donnant un mandat pour former un gouvernement de coalition. Aujourd’hui, les optimistes pensent que le racisme a été battu et que l’«espoir» a vaincu «la peur et la haine». Malheureusement, rien n’est plus faux.


Marche contre la haine organisée par le Socialistische Partij (SP)

Si c’est une bonne nouvelle que Wilders n’ait pas réussi à former le plus grand groupe du parlement, le résultat électoral est un très net virage à droite. Les partis de droite trustent les deux-tiers des sièges, alors que la gauche dans son ensemble a subi une grave défaite, son vote combiné dépassant à peine le quart des voix.

La nouvelle norme: racisme et nationalisme

Le parti social-démocrate (PvDA) a été décimé suite à son rôle dans le cabinet Rutte qui a imposé des coupes budgétaires néolibérales s’élevant à plusieurs milliards, a exprimé des positions racistes anti-réfugié·e·s et a contribué aux bombardements en Syrie et en Irak. Le PvDA a déclaré avoir «pris ses responsabilités» et avoir guidé le pays vers une sortie de la crise. Cela souligne son adhésion au néolibéralisme et il a été sévèrement sanctionné pour cela, perdant 29 sièges sur 38, la chute la plus forte de l’histoire parlementaire hollandaise.

Le parti VVD libéral-conservateur de Mark Rutte a perdu des sièges, mais a réussi à maintenir sa position comme premier parti. Tous les autres partis de droite et de centre-droit ont progressé en se positionnant plus à droite encore. Les démocrates-chrétiens, par exemple, ont fait une campagne nationaliste et raciste, présentant l’islam comme ennemi principal, proposant la déportation de celles et ceux ne «partageant pas nos valeurs».

On voit à quel point la droite a adopté des pans entiers de l’agenda de Wilders. Avec comme effet que racisme et nationalisme ont été «normalisés» dans la politique néérlandaise. Pendant ce temps, l’extrême droite a renforcé sa position au parlement, le parti PVV de Wilders gagne 5 sièges devenant le deuxième parti du pays.

Le nouveau parti crypto-fasciste, Forum pour la Démocratie (FvD), a gagné deux sièges. Son chef, Thierry Baudet, met en garde contre une «dilution» du peuple néerlandais par l’immigration et a dit sa solidarité avec Julien Blanc, coach en viol notoire. A contrario du PVV, le FvD construit une vraie organisation et le danger qu’elle devienne un réel groupement fasciste est patent.

Le SP n’a pas profité de l’implosion social-démocrate

Ni défaite, ni affaiblissement de l’extrême droite donc, mais plutôt le début d’une nouvelle phase de son développement. Jusqu’ici, on n’a pas vu de mobilisation de rue massive des fascistes, mais il y a un risque que cela change dans un avenir proche.

Ceci représente un fort tournant vers la droite. L’état de la gauche néérlandaise en est une cause première. Le Parti socialiste (SP) n’a pas profité de l’implosion du PvdA et a même perdu un siège. Ceci à cause de leur manque total de réponse effective à l’extrême droite. Le SP craint que s’opposer publiquement au racisme lui fasse perdre des voix et a même voulu exploiter les sentiments xénophobes en s’exprimant contre la main d’œuvre immigrée et pour la «priorité aux travailleurs·euses néérlandais».

Malgré la combinaison de ce mot d’ordre à un programme anti-­libéral – appelant par exemple à une hausse de 10 % des salaires et à une renationalisation des services de santé – le parti n’a pas réussi à inspirer. Notamment du fait de son refus de construire des mouvements sociaux de rue à l’appui de ces exigences. Au lieu de quoi, il s’est centré sur la conquête de mandats. Mais, vu le rapport de force défavorable, cette stratégie a paru de moins en moins convaincante à la majorité des travailleurs·euses.

Le parti des Verts de gauche a obtenu des gains substantiels avec ses positions de principe sur le changement climatique et pour l’accueil des réfugié·e·s. Mais il souscrit tout de même aux lois du marché, se définissant comme «social-libéral». Ses nouveaux partisans risquent de grosses désillusions, surtout si le parti participe à un gouvernement de coalition avec la droite.

Forger une nouvelle gauche dans le mouvement social

La situation est sombre. Renverser le courant demande de reconstruire une nouvelle gauche prête à s’organiser pour battre l’extrême droite et pour construire des luttes de résistance face aux nouvelles attaques contre les travailleurs·euses. Cela prendra du temps, mais les bases d’un tel projet se renforcent.

La direction du SP a présenté sa défaite comme une «consolidation face à une déferlante de droite», mais des activistes du parti en ont marre de l’absence d’antiracisme et voient que sa stratégie actuelle débouchera sur de nouveaux échecs. Ainsi, ce silence face au racisme montant a conduit à un nouveau parti Artikel 1. Bien qu’il n’ait que quelques semaines et n’ait emporté aucun siège, il est engagé à se battre contre l’oppression et gagne des membres sur cette base.

Ces derniers mois ont vu une augmentation du nombre de manifestations attirant des milliers de gens, particulièrement depuis la victoire électorale de Trump aux USA. La marche des femmes de la semaine dernière, par exemple, a attiré 20 000 jeunes activistes prêts à riposter à la misogynie, au racisme et à l’extrême droite. C’est dans ces mouvements qu’il nous faudra trouver et forger les éléments d’une gauche vivante afin de faire face aux temps difficiles qui viennent.

Jeroen van der Starre
Chef rédacteur de Socialisme.nu Traduction par notre rédaction