Cinquième édition du contre-sommet des matières premières

Le Collectif contre la spéculation sur les matières premières, voix critique et contestataire née en réaction au Global commodities summit (sommet global des matières premières) fin 2012, organise chaque année depuis un Contre-sommet composé d’un forum et d’une manifestation.

Gustave Deghilage

Cette année, ils ont respectivement eu lieu le samedi 25 mars et le lundi 27 mars. L’évènement a été relayé par de nombreux médias, signe d’une certaine légitimité et crédibilité gagnée au fil des ans. Toute personne intéressée à rejoindre le Collectif est vivement invitée à venir à sa prochaine séance qui se tiendra le lundi 10 avril.

L’édition 2017 a mis l’accent sur le rôle joué par la Suisse, qui est, à l’échelle mondiale, très bien positionnée dans le peloton de tête du négoce des matières premières. Rappelons que 35 % du pétrole brut, 60 % des métaux, 35 % des céréales, 60 % du café et 50 % du sucre y sont négociés, tandis que 70 % de l’or mondial y est raffiné. Les activités purement spéculatives menées par ces sociétés, qui peuvent renchérir le prix des biens alimentaires de base, devraient être interdites, comme le demandait l’initiative «Pas de spéculation sur les denrées alimentaires» malheureusement refusée en votations il y a une année par 60 % des votant·e·s.

Cependant, les responsabilités des firmes actives dans le business des matières premières dépassent largement la seule spéculation boursière: en plus d’être à la tête de capacités de stockage et de réseaux de distributions inédits, elles possèdent de nombreuses structures extractives.

Anthony Peluso

Des revenus qui échappent aux populations

Il est particulièrement scandaleux que les revenus engrangés par la vente des matières premières échappent aux populations des pays producteurs, avec la complicité du système fiscal suisse. D’autant plus que l’écrasante majorité des 70 millions de personnes qui sont ou seront touchées par la famine en 2017 habitent des pays riches en matières premières (41 pays sur 43).

Les accords fiscaux secrets conclus entre multinationales et autorités fiscales cantonales devraient être interdits et les taux d’imposition significativement relevés.

Les involutions encouragées par les négociants ne s’arrêtent pas là. En tant que corrupteurs, ils font régresser la démocratie ou favorisent le maintien de régimes autoritaires, et peuvent aller jusqu’à financer des groupes armés dans des situations de guerres civiles. Les conditions de travail dans les mines sont souvent proches de l’exploitation humaine. Les nombreuses négligences en matière environnementale sont source de pollutions massives nuisant gravement à la santé des populations.

Pourtant, les sociétés basées en Suisse n’ont pas de comptes à y rendre à l’égard des méfaits commis à l’étranger et ce n’est pas le guide de mesures non-contraignantes voulu par le Conseil fédéral qui y changera quoi que ce soit. Par contre, l’initiative «Pour des multinationales responsables» offrirait un progrès certain puisqu’elle permettrait aux victimes de déposer plainte auprès des tribunaux suisses.

Le forum

Le forum qui s’est tenu le samedi 25 mars a attiré plus de cent dix personnes de tous âges et plusieurs d’entre elles ont salué la qualité des interventions qui y ont pris place.

Durant la plénière, Isabelle Lucas, docteure en histoire contemporaine, a présenté la combinaison spécifique des caractéristiques constitutives de l’impérialisme helvétique sur le temps long et dans lequel le négoce des matières premières est à réinscrire. Daniel Schweizer a parlé des conditions de réalisation et des coulisses de Trading Paradise, documentaire actuellement en salles dont il est le réalisateur et qui traite des conséquences pour les populations locales des activités de Glencore, basée en Suisse, et de Vale, qui y a localisé son siège international. Ayant fait le déplacement depuis les Pays-Bas, René Lehnherr, principal instigateur du Tribunal Monsanto, a présenté ce dernier ainsi que les réactions qu’il a suscitées.

Ensuite, quatre ateliers se sont déroulés simultanément. Le premier était animé par Daniel Süri, porte-parole du collectif Halte aux forages Vaud, qui a montré comment l’ancrage dans la Constitution vaudoise de l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures offrait un débouché politique aux mobilisations régionales. Sébastien Guex, professeur d’histoire contemporaine, est revenu sur le refus en votations de la RIE 3 et a présenté quelles voies pouvaient prendre maintenant ce projet de réforme fiscale.

René Lehnherr a partagé son expérience en discutant avec les intéressé·e·s des moyens de lutter contre Monsanto. Le dernier atelier était animé par Maryline Bisilliat et Christian Lüthi. La première a présenté la campagne de Pain pour le prochain contre l’accaparement des terres, tandis que le second a défendu la nécessité d’exiger le retrait des investissement réalisés par les banques et fonds de pensions dans les énergies fossiles.

La manifestation

La manifestation qui a eu lieu le lundi 27 mars est partie de St-François pour rejoindre l’hôtel Beau-­Rivage, où se trouvaient négociants et financiers du business des matières premières pour leur Global commodities summit. Elle a été ponctuée par les interventions de Sophie Legeret et Jorge Lemos, membres du Collectif contre la spéculation sur les matières premières. De plus, le Collectif D venu de Genève a animé un tronçon du cortège, tandis que les passant·e·s auront remarqué l’imposante installation prenant la forme d’un grand nuage de CO2 amenée par l’Alliance climatique suisse. Finalement, le journal 24 Heures a noté «la présence en force de sympathisants du parti de gauche solidaritéS».

Vivien Ballenegger

Prochaine réunion du Collectif
Lundi 10 avril
18 h Espace Dickens Lausanne