Afrique du Sud

Afrique du Sud : Quand les hommes défilent contre les violences faites aux femmes

Depuis des années l’Afrique du Sud compte le plus haut taux de viols et de féminicides au monde. Une situation héritée du régime d’apartheid caractérisé par un niveau de violence inédit. Selon une étude publiée en 2009 du Medical Research Council (MRC), un jeune Sud-Africain sur quatre reconnaît avoir violé au moins une fois dans sa vie. En 2012, les chiffres indiquent qu’une femme est tuée toutes les 8 heures, et dans la moitié des cas par son conjoint – sans compter les très nombreux cas de meurtres et de violences spécifiques aux personnes LGBTIQ*.

De #MenAreTrash à #NotAllMen

En avril 2017, une famille lance l’alerte sur les réseaux sociaux après la disparition de leur fille de 22 ans, Karabo Mokoena. Le 29 avril son corps est découvert, brûlé par l’acide, retardant son identification. Comme dans 50 % des cas de féminicides en Afrique du Sud, le coupable est son petit-ami. Le meurtre provoque l’indignation nationale et se traduit par la réapparition de l’hashtag #MenAreTrash (#Les-Hom-mesSontDesOrdures) sur la toile. Lancé par plusieurs femmes en 2016, il dénonce les comportements problématiques auxquels les Sud-Africaines font face dans leur couple. Durant le week-end du 12 mai, quatre autres corps de femmes sont découverts à Johannesburg. L’utilisation croissante du #Men-Are-Trash a démultiplié les témoignages de femmes jusqu’à former un mouvement tangible qui visibilise les féminicides, les abus et les viols devenus courants et généralement passés sous silence en Afrique du Sud.

En parallèle, resurgit sur la toile un hashtag bien connu: #NotAllMen. Tweeté pour la première fois en 2011, #NotAllMen exprime la frustration des hommes face aux dénonciations féministes, car pour eux, «les hommes ne sont pas tous comme ça», cherchant à réfuter les généralisations sur les hommes. Dès 2014, #NotAllMen est tourné en dérision et vertement critiqué pour ses aspects dépolitisants et antiféministes (recentrant la discussion sur l’individu qui n’est pas auteur de violence, invisibilisant les milliers qui le sont).

Dans la confrontation actuelle, les tenantes du #MenAreTrash se voient contrées par ceux du #NotAllMen, assénant des déclarations qui témoignent de leur propre misogynie: «[…] mais qu’à fait la fille pour inspirer un tel acte?» demande un internaute à propos de Karabo, «Je vois que les tenantes #MenAreTrash se battent encore pour paraître pertinentes […] elles ne peuvent pas laisser les gens être heureux» tweete un autre.

Une manifestation d’hommes contre les violences à l’égard des femmes

Pourtant une marche pour dénoncer les abus et la violence envers les femmes a été organisée le 20 mai à Pretoria. A la différence de la marche historique de 1956 qui avait rassemblé 20 000 femmes contre l’apartheid dans les rues de la capitale, la récente marche comptait entre 500 et 2000 personnes majoritairement masculines, selon les médias. Sous la bannière d’un troisième hashtag: #NotInMyName (#Pas-En-MonNom), les participants regroupaient des célébrités, des membres du gouvernement ou encore des bikers, bien que les organisateurs aient invité les femmes à les rejoindre. Sur les images, une femme couverte de blanc, une corde autour du coup, ouvre la marche des hommes. Selon un organisateur, elle symbolise «toutes les femmes ayant subi des abus et souffert de la cruauté des hommes». Un autre explique qu’il s’est rendu à la marche pour prouver que tous les hommes n’étaient pas des ordures: «Je veux juste montrer aux femmes qu’il y a encore de vrais hommes dans ce pays, et que nous voulons les protéger». Important soutien à la marche, le mouvement Brothers for Life qui cherche à promouvoir des «normes masculines positives […]».

Les prises de paroles se sont succédées permettant tout de même à plusieurs femmes de témoigner. Si la dénonciation des violences faites aux femmes est indispensable, la forme de cette marche majoritairement masculine reste problématique car elle invisibilise les victimes tout comme les potentiels agresseurs.

Valentine Loup