Marché de l'électricité

Marché de l'électricité : Entre deux absurdités, le courant passe

Le marché de l’électricité en Suisse est une vraie cour des miracles. N’a-t-on pas entendu Christophe Blocher réclamer la nationalisation des installations de production, à la suite de l’offre de vente d’Alpiq en 2016? Actuellement, une commission du Conseil national propose un modèle pour sauver l’énergie hydraulique suisse. Et la libéralisation complète du marché menace toujours.

A ma gauche (enfin, façon de parler) les deux pleureuses: Alpiq et Axpo, la première comprenant des investisseurs privés, mais pas la seconde. Toutes deux largement présentes dans l’énergie hydraulique, mais aussi dans le nucléaire.

Ayant cru que l’âge d’or de la hausse des prix de l’électricité se prolongerait indéfiniment, elles ont investi lourdement dans des stations de turbinage-pompage, bien moins écologiques qu’elles ne le prétendent, destinées à vendre leur courant au meilleur prix. Manque de pot, les prix internationaux se sont effondrés et depuis 2011, les déficits s’accumulent. Et quelques investissements dans le secteur des hydrocarbures ont fait plouf.

A ma droite (cette fois, c’est vrai), les tenants d’une libéralisation complète des prix et d’une privatisation de l’ensemble des acteurs du marché, des producteurs d’électricité aux distributeurs (souvent cantonaux ou communaux). Avenir suisse en fait partie et une bonne partie du PLR soutient ces mesures.

Au centre, le Conseil fédéral et les Chambres fédérales, chargés de fabriquer du consensus entre ces positions et les pressions de l’Union européenne. Entre bricolage helvétique, adaptation au néolibéralisme et défense de baronnies cantonales, les prix de l’électricité n’ont pas fini de nous étonner!

La fin de l’énergie hydraulique?

Que la question puisse se poser en pleine lutte contre les émissions de gaz à effet de serre (GES) peut sembler surprenant. Même si la construction des murs de barrage et des centrales hydrauliques (sans parler des stations de turbinage-pompage) n’a rien d’une opération neutre en termes écologiques, le recours à l’énergie hydraulique génère relativement peu d’émissions de GES, en comparaison des centrales au charbon ou au diesel. Cette source devrait donc être conservée dans une transition écologique. Que les prix du marché – faussés de plus par des subventions directes ou indirectes à d’autres renouvelables ou par le bradage des ressources fossiles – puissent ainsi prononcer le verdict de la faillite de l’énergie hydraulique fait clairement ressortir l’absurdité de l’ensemble. Comment peut-on laisser des ordres de ventes ou d’achat décider du type d’énergie dont les sociétés humaines ont besoin? Certes, la gestion d’Alpiq ou d’Axpo – qui il y a peu encore se gaussaient de l’énergie solaire – a connu de retentissants couacs, mais ils n’ont fait qu’aggraver une tendance déjà très présente dans les mécanismes mêmes du marché de l’électricité.

Subventions, taxes, hausse des prix

Pour aider ces pauvres producteurs d’électricité, la commission de l’énergie du Conseil national a donc planché. Avant d’entrer dans le détail de sa proposition, rappelons néanmoins, à l’intention de nos lecteurs et lectrices émus par la situation difficile du secteur hydroélectrique que ce dernier a accumulé quelque 26 milliards de francs de profit entre 2000 et 2013 (selon Kurt Marti, site Infosperber).

La Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie (CEAT) du Conseil national propose de sauver ces miséreux avec un modèle de «soutien à la production d’énergie hydraulique suisse » qui ferait que l’électricité fournie aux consommateurs captifs (en gros, vous et moi, plus les PME) soit uniquement issue d’énergies renouvelables produites en Suisse. Selon ce modèle, les énergies produites à l’aide de mesures de soutien ou d’encouragement déjà existantes (comme le solaire ou l’éolien) n’entrent pas en compte. En même temps, la Commission autorise les entreprises d’électricité à répercuter intégralement leurs coûts sur les clients captifs, tout en souhaitant que les tarifs appliqués aux consommateurs captifs soient équitables… Pas de doute, il faudra un nouveau miracle sur le marché de l’électricité!

Daniel Süri