Bombardier supprime 500 postes à Villeneuve

L’entreprise de construction de trains et d’avions annonce la suppression de 14 500 emplois dans le monde, malgré l’aide obtenue de la province du Québec qui y investit 1,3 milliards et du gouvernement canadien qui a consenti à un prêt de 270 millions. Sur le site du bout du lac, se sont quelques 500 emplois qui seraient supprimés.

En mai 2010, le monde politique et médiatique romand s’enthousiasmait devant le «contrat du siècle» remporté par l’entreprise canadienne Bombardier. Après une campagne de communication habile de l’entreprise, les CFF passaient une commande pour 1,9 milliards de francs. Bombardier s’engageait à en dépenser les deux tiers dans le pays, et le Conseil fédéral se réjouissait de maintenir ainsi de nombreux emplois en Suisse. Pour sa part, le Conseil d’État vaudois estimait que cette vente permettrait au tissu économique vaudois de sortir de la crise. Le syndicat Unia saluait la transparence et l’engagement social de l’entreprise.

Mais en 2012, c’est la douche froide. Bombardier n’a pas commencé la production et le chômage technique dans l’entreprise atteint 70 %. Le Conseil d’Etat vaudois manœuvre pour soutenir l’entreprise. Bombardier assure alors que le site de Villeneuve a un grand avenir.

Cinq cent vies sur le carreau

Début juin 2017, alors que l’entreprise a quatre ans de retard et que les premières rames n’ont pas encore été livrées, Bombardier annonce le licenciement de la moitié de son effectif en Suisse, soit 650 travailleuses·eurs. Le site de production de Villeneuve est particulièrement touché, avec plus de 500 postes supprimés. Le Conseil d’Etat vaudois tente de se rassurer: il ne s’agirait que de postes de travail temporaires. En effet, Bombardier dispose d’un contrat de prestation (pour plus de la moitié de son effectif) avec une entreprise de location de services possédant une filiale sur le site de production.

Alors que les promesses de sous-traitance en Suisse n’ont pas été tenues, que l’utilisation d’une forte majorité d’intérimaires ne peut se justifier pour un contrat se chiffrant en milliards et une production s’étalant sur des années, le Conseil d’Etat a l’audace de soutenir l’appel au travail temporaire de l’entreprise. Or, il s’agit de près de 500 postes de travail supprimés, avec des conséquences désastreuses sur les 700 que compte le site.

Diviser pour mieux régner

Au contraire de ce qu’affirme le ministre vaudois de l’économie, l’appel au travail temporaire répond à une logique de division des salarié·e·s. Les «temporaires» ne disposant pas des mêmes droits que les «fixes», Bombardier vise par ce procédé à se soustraire à ses obligations, notamment en ce qui concerne les conditions de travail (salaires, temps de travail, délais de congé, disponibilité, …) et les situations de licenciement collectif (participation et plan social). Ces droits différenciés se retrouvent de manière similaire dans l’octroi des permis de séjours. Cette division organisée fissure la solidarité indispensable à une défense collective des emplois et des conditions de travail. En effet, les salarié·e·s menacés sont incités à être plus perméables aux exigences patronales ou à défendre leurs «avantages relatifs».

Ainsi, la construction d’un rapport de force à Villeneuve dépendra de la capacité des salarié·e·s et de leur syndicat à dépasser ces divisions et à lutter ensemble, sans se fier aux promesses sans lendemains qui ne manqueront pas d’être faites par Bombardier ou par le Conseil d’Etat. En cas d’échec, il y a fort à parier que les «fixes» d’aujourd’hui seront les «temporaires» de demain.

Sébastien Schnyder