Face à l'échec du «système Dublin», le Conseil fédéral ne démord pas

Le Conseil fédéral a demandé au SEM (Secrétariat d’Etat aux migrations) de repenser le «système Dublin», autour de plusieurs axes, notamment le recensement des migrant·e·s hors de l’espace Schengen et la possibilité d’une répartition des demandeurs·euses d’asile entre les divers Etats européens. Le résultat, paru fin mai 2017, démontre une absence de remise en question du système et un déni des droits des réfugié·e·s.

Le postulat de l’élu PDC Gerhard Pfister «Nouvelle conception de Schengen/Dublin, coordination européenne et partage des charges» adopté par le Conseil national en juin 2015 charge le Conseil fédéral (CF) d’établir dans quelle mesure une nouvelle conception du règlement Dublin est envisageable. Il souligne surtout la méconnaissance et l’hypocrisie des autorités face à la réalité.

Le paradoxe du contrôle de l’asile

En Suisse, les réfugié·e·s ne représentent que 1,4 % de la population; à l’échelle du continent européen, ce chiffre diminue encore. Une part infime de la population donc, qu’il serait aisé d’accueillir au sein des pays les plus riches du monde. Inversement, l’utilisation abusive par les médias de termes tels que «afflux», «crise» ou «vague» migratoire a permis de distiller l’illusion d’une arrivée massive de gens.

Ainsi, la première demande de M. Pfister concerne la possibilité de recenser les requérant·e·s d’asile dans les régions du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord, une requête fort heureusement rapidement écartée par le SEM. En plus d’être absurde dans son contenu, le souhait de l’élu revient à nier le fondement même de l’asile, un droit qui devrait être inconditionnel et certainement pas dépendre du nombre de personnes concernées.

Dublin, la machine à broyer

Concernant le règlement Dublin, le rapport du SEM ne peut que constater l’échec. Toutefois, la faute est rapidement mise sur le dos des Etats du Sud de l’UE, qui n’appliqueraient pas assez l’enregistrement des réfugié·e·s. Apparemment, aucun·e des auteur·e·s de ce rapport n’aura pris le temps de parcourir celui rendu quelques mois plus tôt par Amnesty International, qui dévoile les tortures organisées dans les hots pots italiens afin de forcer les migrant·e·s à donner leurs empreintes.

De son côté, la Suisse se targue sans sourciller d’avoir rendu plus de 60 000 décisions Dublin (la plupart vers l’Italie) depuis 2009. Y a-t-il vraiment de quoi se réjouir? Les décisions Dublin représentent un automatisme aveugle et l’absence totale de prise en considération des situations individuelles (le fait d’avoir de la famille sur place par exemple).

En matière de renvois Dublin, la Suisse détient également la médaille. Dommage seulement que le SEM passe sous silence le spectaculaire déploiement de forces policières mis sur pied pour s’assurer que tou·te·s les migrant·e·s, enfants compris, soient bien renvoyés vers le premier Etat par lequel ils·elles sont entrés en Europe: arrestations sournoises, mères menottées et bâillonnées, enfants emprisonnés, division de familles, …

Une hypocrisie à peine voilée

Finalement, le rapport suggère d’organiser une clé de répartition des requérant·e·s en Europe. Une idée qui ne mange pas de pain, lorsque l’on sait que le programme de relocalisation des réfugié·e·s depuis l’Italie et la Grèce vers d’autres pays de l’UE, adopté en 2015, n’a toujours pas été mis en œuvre. La Suisse elle-même n’a pas tenu ses propres engagements d’accueillir 1500 Syrien·ne·s. Un chiffre dérisoire par rapport au nombre de renvois Dublin exécutés par la Confédération (2461 en 2015). Il serait peut-être temps de réviser le sens du mot «asile».

Aude Martenot