Le droit d'asile comme droit à l'expulsion

Le droit d'asile comme droit à l'expulsion : Répression policière et chantage financier

Par la presse (v. Le Temps du 13.12.17), nous avons appris que, depuis le 1er octobre 2016, le Département fédéral de justice et police a jugé opportun de punir le Canton de Vaud. Son Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM) a supprimé, dans plus de cent cas, la subvention aux cantons pour l’aide sociale, l’assurance maladie obligatoire et l’encadrement des requérant·e·s d’asile ; en l’occurrence la somme en jeu tournerait autour du million de francs.


Manifestant lors de la Bainvegni fugitivs marsch à Lausanne, le 17 novembre 2017

La cheffe du Département a justifié cette mesure de rétorsion en invoquant une des dispositions qu’elle a introduites dans la dernière version la Loi sur l’asile, entrée en vigueur le 1er octobre 2016. Si les articles 46.1 et 46.3 de cette LAsi prévoient en effet que «le canton d’attribution est tenu d’exécuter la décision de renvoi» et que «le SEM surveille l’exécution et met sur pied, conjointement avec les cantons, un suivi de l’exécution des renvois», le nouvel article 89.b.2 précise: «Si le fait de ne pas remplir ses obligations en matière d’exécution comme le prévoit l’art. 46 ou de ne les remplir que partiellement entraîne une prolongation de la durée du séjour de l’intéressé en Suisse, la Confédération peut renoncer à verser au canton les indemnités forfaitaires». La Confédération «peut» et non pas «doit». Une fois encore Mme Simonetta Sommaruga donne des textes de loi l’interprétation la plus restrictive et en exige l’application la plus sévère qui soient.

Une LAsi contre les droits des requérants

Certes, cela ne nous a pas échappé: au lendemain même de l’acceptation en juin 2016, par voie de référendum, d’une loi qui avait été donnée comme favorable aux requérant·e·s d’asile par l’accélération prévue du traitement des demandes, Simonetta Sommaruga s’est permis de tancer en particulier le Canton de Vaud. Celui-ci manquerait à son devoir d’expulsion des déboutées et déboutés de l’asile, toutes catégories confondues.

Les conséquences de cet avertissement ne se sont pas fait attendre: interventions brutales de la gendarmerie dans les centres de l’EVAM, séparation arbitraire de familles en vue d’expulsion, comparution de déboutés les fers aux pieds devant le juge de paix, arrestations de réfugié·e·s en pleine rue, assignations à résidence en vue du renvoi, mesures d’intimidation auprès des personnes qui tentent de soutenir les «dublinés». C’est-à-dire les demandeurs·euses d’asile qu’au mépris de la clause de souveraineté offerte par les accords de Dublin III signés par la Suisse, on renvoie dans le pays où ils ont été enregistrés à l’occasion de leur entrée dans l’Union européenne ; il s’agit en général de l’Italie ou de la Grèce qui, par ailleurs soumises à des plans d’austérité drastiques, sont contraintes d’assumer des dizaines de milliers de demandeuses·eurs d’asile.

Vols spéciaux ou forfaits fiscaux, c’est selon…

Aux traumatismes subis dans le pays d’origine par les faits de guerre ou par les violences qui, découlant d’une misère extrême, provoquent l’exil, aux traumatismes endurés dans des parcours terrestres puis maritimes marqués par rackets, viols, réduction en esclavage, enfermement en camps de concentration, sinon par la mort dans le naufrage d’embarcations de fortune, s’ajoutent, par la politique inflexible conduite par le SEM sous la direction de Simonetta Sommaruga, ministre socialiste, les traumatismes de renvois et d’expulsions marquées par la contrainte et le mépris: exécutés dans des conditions indignes de la personne humaine à l’issue d’arrestations musclées, certains parmi les «vols spéciaux» ont débouché sur la mort de personnes qui, pour seul délit, ont tenté de fuir une situation de précarité physique et psychique extrême et de trouver un abri en Suisse.

La conséquence est double. D’une part cette politique répressive a conduit à une diminution drastique des demandes d’asile en Suisse: 39 523 demandes déposées au SEM en 2015 (sans battre le «record» de 1999: plus de 46 000), 27 207 en 2016, moins de 20 000 en 2017! En contraste, les étrangers·ères fortunés continuent à être accueillis sans la moindre question posée sur l’origine de leur patrimoine ; ils continuent à pouvoir acquérir les appartements de luxe érigés à leur intention sur les rives de nos lacs, profitant du fait que l’investissement dans l’immobilier n’est pas soumis à la (faible) loi contre le blanchiment de l’argent sale.

Qui sert la soupe à l’UDC?

D’autre part, en punissant le Canton de Vaud, Simonetta Sommaruga fait le lit de l’UDC. Coup sur coup, c’est le Conseiller national UDC Michaël Rebuffat qui dénonce le non-renvoi des requérants d’asile déboutés comme une «bombe à retardement» ; ils vivraient désormais aux crochets des contribuables vaudois. Puis le député UDC au Grand Conseil Denis Rubattel a embouché la même trompette, dénonçant «un laxisme vaudois intolérable», découlant d’une «politique illégale» à la charge des contribuables.

Madame Simmonetta Sommaruga, par une politique d’asile axée sur l’expulsion, non seulement est parvenue à aider l’UDC à dresser la population contre réfugié·e·s, mais surtout à faire fi des droits élémentaires d’hommes, de femmes et d’enfants en état de grande précarité, que la Suisse a tous les moyens, financiers, politiques et moraux, d’accueillir.

Claude Calame

Intertitres de notre rédaction