Tirage au sort du Conseil National

Dans le numéro 304 de notre journal, le politologue Andrea Pilotti mentionnait le problème de représentativité du Parlement suisse, qu’il décrivait comme un «miroir particulièrement déformé de la société», où la recherche du bien commun est entravée par l’influence croissante de l’argent sur la démocratie. Le tirage au sort pourrait-il remédier à ce déficit de représentativité?


Roy Keur

Le mouvement Génération Nomination (GeNomi) a été lancé à Fribourg en 2015, afin de garantir un accès à tou·te·s aux fonctions publiques décisionnelles sans discrimination. GeNomi prépare ainsi une initiative populaire pour l’élection des membres du Conseil national par tirage au sort. A ce stade, une campagne de promesses de signatures a été lancée sur Internet, avec pour objectif de pré-­récolter 100 000 signatures d’ici le 30 novembre 2018. L’idée est de se faciliter la tâche et de baisser les coûts d’une réelle récolte de signatures sur le terrain, qui débutera au printemps 2019.

Un profil marqué

Actuellement, le profil moyen d’un conseiller national est celui d’un homme dans la cinquantaine, diplômé souvent en droit ou économie. Ainsi, dans les faits, de nombreuses catégories de la population sont sous-­représentées voire écartées des instances décisionnelles, notamment les femmes et les jeunes. Le fait de tirer au sort des élu·e·s n’est pas une idée nouvelle, elle trouve son origine dans la Grèce antique.

Pour le projet actuel, les député·e·s seraient ainsi désigné·e·s de manière aléatoire pour une durée de quatre ans et toute personne choisie aurait le droit de refuser son mandat. Pour celles et ceux qui accepteraient, une formation d’une année leur serait dispensée, rémunérée aux mêmes conditions que le travail parlementaire. Cette formation permettrait d’éviter que ces élu·e·s n’aient pas les compétences requises pour assurer ce travail. Avec cette initiative, la participation citoyenne à la vie politique serait accrue, le risque de conflit d’intérêt réduit, une meilleure diversité et représentativité des député·e·s garanties et l’intérêt du bien commun maintenu.

Alors, utopie ou réalisme? Dans tous les cas, cette initiative a le mérite de mettre le doigt sur les biais représentatifs de notre démocratie et de notre système électoral: «l’instauration partielle de la procédure du tirage du sort, assortie d’une formation préalable, permettrait de casser la dynamique d’isolement de nombre d’élus et leurs liens trop exclusifs avec les milieux économiques» (Dominique Bourg, professeur à l’Université de Lausanne et membre du Conseil scientifique et stratégique).

Alberto Silva

genomi.ch