Des bâtons dans les roues de l'initiative vélo?

Le 23 août dernier, le Conseil fédéral présentait la dernière mouture du contre-projet qu’il souhaite opposer à « l’initiative vélo » déposée par Pro Velo au printemps 2016. Un compromis se dessinerait même entre les initiant·e·s et le TCS pour soutenir ce contre-projet… qui viendrait affaiblir un texte aux ambitions pourtant déjà bien modestes.


Dépôt de l’initiative à Berne, 1er mars 2016

«L’initiative vélo» prévoit tout simplement d’inscrire dans la Constitution suisse, au même titre que les chemins pédestres, la nécessité de créer un réseau cyclable attrayant et sûr. Pour la première fois, le vélo entrerait dans la Constitution. La moindre des choses pour un mode de transport qui présente tant d’avantages (coût très faible, nombreux bénéfices pour l’environnement et la santé publique, etc.) et qui n’a de cesse de se développer. Cette initiative représente donc un « minimum syndical » absolu en matière de politique de transports écologique.

Plus la moindre contrainte…

Mais c’était sans compter sur la vision rétrograde du collège gouvernemental, qui souhaite édulcorer encore la proposition en supprimant toute formulation contraignante. Ainsi, là où l’initiative demande simplement que la Confédération «encourage et coordonne (…) les mesures prises par les cantons et par les tiers visant à aménager et entretenir des réseaux sûrs et attrayants», le contre-projet remplacerait cette phrase déjà timide par une formulation encore moins impérative: «la Confédération peut soutenir et coordonner…».

Une pression fédérale pourtant indispensable

Ce qui peut apparaître comme un détail au premier regard cache un vrai recul de fond. Car l’expérience démontre que tous les cantons ne sont pas égaux en termes de volonté politique pour les aménagements cyclables. À Genève par exemple, l’initiative « Pour la mobilité douce », acceptée par le peuple en 2011 et demandant notamment des aménagements cyclables continus et sécurisés sur l’ensemble du réseau de routes secondaires, n’est toujours pas mise en œuvre.

Or, si « l’Initiative vélo » entrait en vigueur telle quelle, la Confédération serait tenue de « taper sur les doigts » du Conseiller d’Etat genevois en charge des transports et de l’encourager à réaliser les aménagements acceptés par le peuple. Avec le contre-projet, la Confédération ne serait pas tenue de prendre une quelconque initiative en la matière, laissant les cantons récalcitrants agir à leur guise, avec le risque de voir perdurer de fortes disparités sur le territoire.

Un compromis TCS–Pro Velo?

A la manœuvre derrière ce contre-projet, on devine une alliance TCS–Pro Velo. En effet, des discussions auraient eu lieu entre les deux associations, qui se sont d’ailleurs réjouies publiquement de la proposition du Conseil fédéral. Une alliance qui laisse un goût amer. Doit-on rappeler que c’est le TCS qui, à Genève, s’est opposé avec le plus de vigueur à l’initiative « Pour la mobilité douce »? Qu’il multiplie les recours et oppositions contre tout aménagement cyclable qui empiète, même de manière minimale, sur la répartition de l’espace aujourd’hui largement en faveur de l’automobile?

A l’heure où la ville de Paris vient de publier un ambitieux Plan Vélo 2015–2020, débloquant 150 millions d’euros avec comme objectif de réaliser notamment plus de 80 km d’aménagements (doublant ainsi les kilomètres existants!), créer du stationnement et une voie express… il serait temps d’en finir avec les compromis avec des dinosaures qui continuent à promouvoir l’automobile individuelle envers et contre tout.

Thibault Schneeberger