Cinéma

Cinéma : Dunkerque ou le déclin de l'Empire britannique?

En mai 1940, plus de 300 000 soldats britanniques et français sont transportés en Grande-Bretagne depuis les côtes de Dunkerque, où ils avaient trouvé refuge après la défaite face aux troupes allemandes en Flandre.

L’évacuation a duré  environ 10 jours, les forces allemandes bombardant la côte. Le premier ministre britannique Churchill a décrit le sauvetage des forces alliées comme un miracle.

Le nouveau film de Nolan, créateur aux capacités uniques dans la gestion du temps filmique et la fusion de l’imaginaire avec la réalité, nous offre un vrai chef d’œuvre audiovisuel. Mais, malgré ses vertus techniques, Dunkerque ne « creuse » pas dans l’histoire, au-delà du récit dominant.

Le film est divisé en 3 sections qui se produisent en parallèle sur la côte, en mer et dans les airs. Sur la côte, de jeunes soldats essaient de monter à bord de l’un des rares navires, à la merci des bombardements soutenus de la Luftwaffe, laissant derrière eux de plus en plus de cadavres. Terreur des soldats et incertitude des officiers sont les deux sentiments principaux que Nolan dépeint dans cette partie du film. Un jeune qui porte le costume d’un Britannique assassiné, afin de monter à bord plus vite, est le seul Français du film! Et on ne voit pas un seul des musulmans de la péninsule indienne qui se sont battus dans les lignes de la BEF. Tout est raconté du point de vue britannique.

La deuxième partie se déroule en mer, où le propriétaire d’un bateau privé part de Grande-Bretagne pour aider à sauver les troupes. La troisième partie est très divertissante – et très nationaliste – avec des poursuites d’avions spectaculaires qui tentent d’inspirer de la fierté pour les exploits britanniques.

Art et politique?

Christopher Nolan a déclaré qu’il avait laissé la politique en dehors du film, en présentant des événements dépouillés d’intentions. Une déclaration étrange lorsque l’on connaît l’impact du rapport à l’histoire de la Seconde guerre mondiale et à ses usages publics et médiatiques dans notre rapport au monde actuel. La politique est en effet un élément vital de l’histoire de Dunkerque et son élimination supprime les aspérités de l’histoire présentant de fait la version mainstream de ces événements comme la seule vraie.

Ainsi, Nolan nous raconte-t-il l’histoire très fortement tronquée du « miracle » accompli par l’unité nationale revendiquée en focalisant son récit sur le sauvetage des soldats par des milliers de bateaux privés venant des ports du sud de la Grande-Bretagne. Les chiffres, pourtant, montrent que leur contribution, bien qu’admirable, n’a sauvé que 25 000 personnes. Le salut est venu de ce que l’infanterie allemande a tardé à occuper la ville.

Les témoignages de l’époque en Grande-Bretagne parlent de soldats affamés et de milliers de gens qui se rendaient compte pour la première fois que l’Empire n’était pas invincible. C’était un processus de radicalisation. Une brochure intitulée Les coupables, qui exigeait que les politiciens qui avaient coopéré avec Hitler soient jugés, a été distribuée à des milliers d’exemplaires, alors que George Orwell écrivait «qu’il faudrait une guerre populaire pour vaincre Hitler et construire une société juste». Loin de tout ça, ce film se contente de reproduire les mythes impérialistes si difficiles aujourd’hui à déconstruire auprès d’un large public et qui mériterait pourtant un bien autre traitement.  DD