Contre Macron et son monde

Contre Macron et son monde : C'est dans la rue que ça s'passe

Cet article de deux membres du NPA pose le problème de l’articulation entre luttes sociales et oppositions politiques de gauche au parlement. Les réponses apportées peuvent évidemment susciter le débat (SP)

Jeanne Menjoulet

Durant la dernière séquence électorale en France, Macron avait annoncé la couleur. Il voulait faire adopter rapidement une nouvelle loi contre les travailleurs.euses, et contourner le Parlement par le biais des ordonnances.

Ainsi, Macron voulait frapper rapidement et très fort et il tient ses promesses. Durant l’été, il a prolongé l’Etat d’urgence, réprimé les migrant·e·s et leurs soutiens, etc. Bref, nous affrontons un gouvernement qui cherche à frapper de tous les côtés.

Loi de travail XXL

Les premières ordonnances sont déjà parues et elles attaquent directement les droits sociaux et le code du travail sur plusieurs axes. Tout d’abord, il s’agit de faciliter les licenciements: jusqu’ici pour justifier un licenciement économique une entreprise multinationale devait prouver ses déficits au niveau international. Désormais cette même multinationale pourra fermer une filiale en France malgré des profits importants réalisés dans d’autres pays. Par ailleurs, ces ordonnances visent également à diminuer les capacités d’organisation et de mobilisation des salarié·e·s: les organisations syndicales seront contournables par un référendum d’entreprise. Les instances qui défendent les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité seront tout simplement supprimées. Les capitalistes ne s’y sont pas trompés, le MEDEF (un syndicat patronal) a salué le contenu des ordonnances et un commissaire européen a loué un projet de loi «qui répond directement à l’analyse de Bruxelles sur les rigidités de l’économie française».

Face à cela, la riposte peine à s’organiser. Toutes les organisations syndicales représentatives avaient dans un premier temps accepté le «dialogue social» proposé par le gouvernement.

Morcèlement des luttes

Le front syndical qui avait mené la lutte contre la loi El Khomri en 2016 (articulé autour de la CGT, FO, FSU et Solidaires) est morcelé, FO l’ayant quitté. La CGT a commencé par accepter la parodie de concertation voulue par le gouvernement avant de finalement appeler à une grève le 12 septembre. Cette journée était un premier avertissement. Des centaines de milliers de personnes ont participé à des rassemblements organisés dans 180 sites à travers le pays, 60 000 à Marseille, 10 000 au Havre, 10 000 à Rennes, 12 000 à Bordeaux, 5000 à Nice, 3000 à Perpignan. A Lyon, la police a tenté sans succès d’arrêter la manifestation.

A Paris, des milliers de personnes ont manifesté avec la présence de syndicats, non seulement les CGT, FSU et Solidaires qui appelaient à la grève, mais aussi de nombreuses branches de FO qui ont désobéi à la décision de leurs dirigeant·e·s. En appelant à une nouvelle date de grève le 21 septembre, la CGT nous a donné l’opportunité de dépasser ces divisions. Et de nouveau des centaines des milliers de personnes ont répondu à cet appel.

Mais comme si le morcellement existant ne suffisait pas, Mélenchon et son mouvement, la France Insoumise (FI), ont unilatéralement appelé à manifester le 23 septembre contre le «coup d’Etat social», une décision qui pose plusieurs problèmes. D’abord en proclamant une telle date sans concertation avec le reste de la gauche, Mélenchon a limité l’ampleur que pourrait prendre cette journée. En effet, de nombreuses structures syndicales, de nombreux militant·e·s de base ont refusé de se joindre à son appel. Par cette manifestation, Mélenchon a cherché à renforcer sa position de principal opposant de gauche à Macron. Mais il vise également à faire retourner la mobilisation sur le terrain institutionnel: une manifestation le samedi et les député·e·s de la FI s’occuperont de la riposte sur les bancs de l’Assemblée Nationale le reste de la semaine, voilà son projet. Sans cesser de chercher à atteindre l’unité par en bas du mouvement, y compris avec les milliers de personnes qui ont manifesté le 23 septembre à l’appel de Mélenchon, nous lui opposons la souveraineté de nos assemblées générales.

Unité par en bas

A la base, les collectifs et réseaux qui se sont mis en place lors de la mobilisation du printemps 2016 contre la loi travail version 1, essaient de relancer des initiatives. Le front social issu des cortèges interprofessionnels du printemps de 2016 coordonne différentes sections syndicales radicales de SUD et de la CGT. Ce front social qui avait déjà appelé à des manifestations durant la séquence présidentielle pour commencer à se battre contre le gouvernement Macron, organise des assemblées générales et des cortèges pour lutter contre la loi travail XXL.

Mais il existe aussi des collectifs locaux, des assemblées de quartier qui essaient de se relancer, à l’image du 20e arrondissement de Paris, ou encore dans le 18e arrondissement où une journée contre la loi travail organisée par des activistes du quartier a été une véritable réussite. Des tentatives dans ce sens sont menées aussi par l’assemblée générale interprofessionnelle de Saint-Denis qui cherche à dépasser ces divisions en unifiant et en coordonnant les salarié·e·s, indépendamment de leur organisation ou leur secteur d’activité

Du côté des universités, les syndicats étudiants et différents groupes militants ont appelé à des AG comme à Toulouse, Paris 1, Paris 8 ou encore Paris 10.

Parallèlement à notre travail dans le mouvement ouvrier traditionnel, on essaye donc de remettre en place des réflexes acquis lors de la dernière mobilisation, mais tout cela fait face à des difficultés. Les divisions syndicales, la défaite du printemps 2016 sont dans toutes les têtes, et c’est aux militant.e.s actifs dans le mouvement de permettre de développer une stratégie et de trouver des perspectives pour convaincre largement qu’on peut battre Macron et son monde.

Si le mouvement social pêche par sa division, les luttes ne manquent pas et à peine 5 mois après son élection le quinquennat de Macron lui semble déjà bien long.

Sana & Pierre