Génération 68

Des années d'espoir

L’Association pour l’étude de l’histoire du mouvement ouvrier (AEHMO) organisait, le jeudi 5 octobre, une soirée publique autour du témoignage de plus d’une centaine d’ancien·ne·s membres de la LMR/PSO. La Ligue marxiste révolutionnaire (LMR), organisation anticapitaliste et antistalinienne, est née à la fin des années 1960, puis s’est transformée en PSO (Parti socialiste ouvrier) en 1980, avant la dissolution de ce dernier au début des années 1990. Les témoignages sont accessibles sur le site de l’AHEMO (aehmo.org). Nous étions présent·e·s à cette soirée pour discuter et débattre. Notre rédaction s’est entretenue avec Olivier Pavillon, militant et permanent de la LMR jusqu’en 1980, qui a activement participé à cette récolte de témoignages.

Manifestation à Lausanne en 1973
Manifestation contre Portugal au Comptoir suisse, Lausanne, 8 septembre 1973

Je suis né en 1938. Ancien directeur du Musée historique de Lausanne, à la retraite (active) depuis 2003, je poursuis des recherches sur les rapports entre les Suisses et la traite des esclaves et la colonisation aux XVIIIe et XIXe siècles. Politiquement, j’ai commencé à militer à l’Université, puis au POP. En 1969, exclu avec quatre autres camarades du POP pour divergences politiques, je participe à la fondation de la LMR, et j’en deviens permanent pendant presque 10 ans. J’ai démissionné en 1980 en raison de divergences avec l’organisation à laquelle je reprochais une dérive antidémocratique et aussi, je le reconnais, pour une sorte de burnout dû à un activisme forcené.

Dans une perspective d’histoire orale et collective, nous voulions réunir le plus grand nombre possible de témoignages de militant·e·s de l’époque ayant adhéré à la LMR/PSO partout en Suisse. Nous voulions connaître leur parcours, ce qui les a amenés à cette organisation, ce qu’ils ou elles y ont fait, et comment ils ou elles voient aujourd’hui cet engagement. Il ne s’agit pas de faire la critique de la ligne politique de la LMR de l’époque, ni de donner les grandes lignes d’une quelconque «refondation» aujourd’hui. Nous voulions simplement donner le «vécu» de ces personnes, offrir un témoignage à celles et ceux susceptibles de s’intéresser à cette histoire militante.

En allant sur le site de l’AEHMO (aehmo.org), sous la fameuse affiche électorale de Karl Marx, tu trouves un texte introductif. En cliquant sur «en savoir plus», tu en apprendras plus sur la LMR/PSO, ses orientations, et ses différentes phases avec une chronologie, etc. Avec d’autres partis en Suisse alémanique et au Tessin, la LMR (RML en Suisse alémanique) a constitué une force dynamique d’environ 500 militant·e·s à l’extrême-gauche entre 1969 et 1985 environ. Elle était active en Suisse, avec le lancement de l’initiative pour la semaine de 40 heures, la lutte contre la xénophobie, un soutien actif dans de nombreuses grèves, etc. Elle agissait aussi au plan international: solidarité avec les peuples en lutte au Vietnam et en Amérique du Sud, dénonciation des dictatures en Espagne ou au Portugal, dénonciation des dégénérescences bureaucratiques du socialisme soviétique, etc.

 

Pour lutter contre les injustices, par solidarité avec les peuples en lutte pour leur liberté, par refus de la société induite par le capitalisme et ses égoïsmes, pour manifester la possibilité d’un socialisme démocratique et révolutionnaire, pour lutter contre la xénophobie de l’époque, et bien d’autres motivations plus personnelles qui dérivent de l’histoire de chaque personne.

Nous avons, ma génération, échoué dans notre projet de changer la société ou simplement de durer en vue d’un tel changement, car les positions politiques que nous défendions alors, au centre desquelles trônait la construction du parti révolutionnaire chargé de «guider» les masses, se sont, à mon sens, révélées un leurre. Encore que le marxisme comme critique de la société est parfaitement valable.

Aujourd’hui, un mouvement comme solidaritéS, porteur d’une critique radicale du capitalisme ambiant et d’un projet de société solidaire, me semble devoir être soutenu, encore que je connaisse mal ses positions détaillées. Je suis confiant quant à l’apparition progressive d’une nouvelle force anticapitaliste au plan mondial, sans pouvoir en définir les lignes de force, ni m’en sentir partie prenante à 100 % vu mon âge relativement avancé.