L'ouragan Maria détruit Porto Rico - Trump tergiverse et radote

Trump tergiverse et radote

Maria, ouragan de catégorie 5 avec des vents soufflant jusqu’à 254 kilomètres à l’heure, a frappé la colonie US de Porto Rico le 20 septembre dernier. Trump tarde à agir face à cette catastrophe.


Eric D. Woodall

Avec plus de 75 centimètres de pluie en un jour à certains endroits, Maria a causé des inondations massives, détruit le système électrique régional, démoli et endommagé maisons et bâtiments, emporté des ponts et des parcelles d’autoroute, et anéanti une grande partie des récoltes. L’effondrement du réseau électrique signifie que le téléphone, la télévision, la radio et les connexions internet ont été interrompues pendant plusieurs jours, y compris dans la capitale, San Juan. La plupart des 3,4 millions d’habitant·e·s n’ont accès ni à de l’eau potable ni à de la nourriture, tandis que les hôpitaux doivent fonctionner dans le noir. Alors que 34 décès ont été pour l’instant annoncés, leur nombre devrait augmenter.

Le président Donal Trump a échoué à agir rapidement. Alors que Barack Obama avait immédiatement déployé des forces navales après le tremblement de terre de magnitude 7 à Haiti en janvier 2010, la réponse de Trump s’est fait attendre. Le président américain a contacté tout de suite l’Agence fédérale des situations d’urgence (Federal Emergency Management Agency, FEMA) mais a pris plusieurs jours à envoyer des bateaux et des troupes à Porto Rico.

Face aux plaintes de Carmen Yulin Cruz, maire de San Juan, Trump a tweeté qu’elle était une mauvaise dirigeante et que les Portoricain·e·s étaient paresseux et ingrats. Il a fallu presque deux semaines à Trump pour se rendre sur l’île, et sur place il a proféré des plaisanteries déplacées, reprochant à l’auditoire d’avoir «foutu en l’air son budget». Lors de la conférence de presse, il a jeté du papier toilette aux Portoricain·e·s, qui ont presque tout perdu.

Porto Rico: une colonie américaine

Les Etats-Unis ont envahi et pris Cuba, Porto Rico et les Philippines à l’Espagne durant la guerre hispano-américaine en 1898. Le Congrès était alors réticent à intégrer en tant qu’Etat à part entière Porto Rico, majoritairement noire et métisse, hispanophone, et catholique. Le décret Jones de 1917 a imposé la nationalité étatsunienne aux Portoricains, juste à temps pour que les hommes puissent être mobilisés pour la Première Guerre mondiale. C’est seulement en 1947 que l’île a finalement obtenu le droit d’élire son propre gouvernement, dont les principales décisions restaient sous le contrôle du Congrès. Pour autant, les Portoricain·e·s restent à ce jour privé du droit de vote lors des présidentielles et n’ont aucun·e représentant·e aux Chambres.

En 1950, un mouvement indépendantiste mené par Pedro Albizu Campos avait organisé un soulèvement à Porto Rico, et tenté d’assassiner le président américain Harry S. Truman. Campos avait été emprisonné mais le mouvement a perduré pendant des décennies. Il y a eu depuis quatre référendums, mais aucun n’a penché en faveur de l’indépendance de façon significative, certains votes étant marqués par de hauts niveaux d’abstention.

L’économie portoricaine était basée sur la production de sucre de canne jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est alors que des usines de textiles et de vêtements, puis pharmaceutiques, se sont implantées. Au même moment, les Portoricain·e·s ont commencé à émigrer vers New York, Philadelphie et Chicago, à la recherche d’emplois et de salaires plus élevés. Les migrant·e·s des années 1940 sont revenus pour leur retraite à Porto Rico dans les années 1980, au moment où d’autres quittaient l’île pour le continent. Donc, bien qu’il y ait six millions de Portoricain·e·s, seulement un peu plus de la moitié d’entre eux·elles vivent sur l’île au même moment.

Sous la domination espagnole comme sous celle des Etats-Unis, la plupart des Portoricain·e·s ont vécu dans la pauvreté. L’île connait des niveaux extrêmement élevés de chômage: officiellement 11 %, presque le double de celui des Etats-Unis, mais certaines estimations indiquent que 40 % de la population active n’a pas d’emploi. Beaucoup sur l’île dépendent des programmes sociaux d’aide des Etats-Unis pour les retraites, la nourriture, le logement et la santé.

Grands profits pour les entreprises nord-américaines

Depuis la crise de 2008, l’économie portoricaine a perdu 20 % de ses emplois tandis que sa population a diminué de 300 000 personnes. Selon Rafael Bernabe, candidat au congrès pour le parti de gauche Working Peoples Party (PPT) en 2016, bien que l’île soit pauvre, les entreprises US y génèrent 35 milliards de dollars de profits chaque année.

Le gouverneur Alejandro García Padilla a annoncé en 2015 que son gouvernement ne pourrait pas payer les 73 milliards de dollars de dette de la région. Le Congrès américain a répondu en décrétant la mise en place d’un comité pour administrer la dette du pays et obtenir la faillite devant les tribunaux. Le président Trump a choqué Wall Street lorsqu’il a suggéré, après la tempête, que cette dette pourrait être effacée.

Avec une île écrasée et isolée du fait de l’effondrement des moyens de transport et de communication, les Portoricain·e·s ont peu de possibilités de faire entendre leur voix, mis à part quelques manifestations durant la visite de Trump. Toutefois, les Portoricain·e·s présents aux Etats-Unis, les politicien·ne·s du parti démocrate, des universitaires et les dirigeant·e·s des syndicats ont critiqué le gouvernement Trump et exigé des actions plus rapides.

Des milliers de Portoricain·e·s sont en train de fuir l’île, émigrant aux Etats-Unis, notamment en Floride. Peut-être que des centaines de milliers vont les suivre, ce qui pourrait faire évoluer un Etat-clé dans les élections récentes pour le faire passer d’une majorité républicaine à une majorité démocrate.

Dan La Botz