Paroles (r)assemblées
Le 31 mars 2016 naît à Paris Nuit debout. Des milliers de personnes se retrouvent place de la République pour se réapproprier la politique. Mariana Otero a suivi les discussions de la commission «Démocratie» et en a tiré L’assemblée. Le film, projeté au City Club de Pully en novembre, raconte le difficile apprentissage de la démocratie, c’est-à-dire de la parole et de l’écoute de l’autre. Rencontre avec la réalisatrice.
«Pesticides non merci», «On n’est pas riquiquis», «Toute urne est funéraire», «Pour la suite du monde». Sur des pancartes, par terre, sur des sacs et des murs, les slogans ont fleuri pendant les trois mois qu’a duré Nuit debout. Il faut dire que le mouvement était parti de la question «Que voulez-vous changer?». Il y avait de quoi faire.
La commission «Démocratie» devait organiser cet afflux de paroles et encadrer le déroulement des assemblées quotidiennes. Au programme, d’interminables débats tentaient de résoudre des questions fondamentales pour tout mouvement politique: comment distribuer la parole, comment écouter et manifester son (dés)accord, comment prendre des décisions collectives.
La parole, au cœur du politique
Bref, s’il fallait changer quelque chose, c’était d’abord la manière de faire de la politique. Mais comment en rendre compte dans un film? Réponse de la réalisatrice: «En ne construisant pas le film sur des personnages, pour ne pas être dans l’héroïsation. Dans ce mouvement, les gens sortent de la foule, prennent la parole, puis rentrent dans la foule».
Pas question de laisser émerger un représentant, encore moins un chef. «Même par la parole, personne ne prend le pouvoir», y compris sur le film.
Finalement, le protagoniste du film, c’est la parole elle-même. «C’est à la parole qu’il arrive quelque chose, pas à des gens, même s’il y a plein de gens sur cette place».
«La démocratie, c’est fatiguant»
On n’en finit donc pas de parler place de la République. Mais parler c’est aussi écouter, et l’un et l’autre fatiguent les organismes, qui s’épuisent au fil des semaines. Le film raconte aussi cette usure de la discussion, et la frustration de celles et ceux qui voudraient que la parole se change en actes, ou au moins en décisions.
«C’est que la démocratie, rappelle Mariana Otero, c’est lent, c’est compliqué, c’est fatigant. C’est pas facile d’écouter les autres, mais ça veut dire que si on veut une démocratie, il faut que les gens travaillent moins, puissent s’investir.»
Du coup, sur la question du bilan du mouvement, la réalisatrice oscille entre amertume et espoir, mais veut retenir le positif: «C’est vrai qu’actuellement, il ne se passe rien face au rouleau-compresseur Macron. La question de la convergence des luttes, qui était au cœur de Nuit debout, n’est pas résolue. Mais même avec toutes les difficultés et les impasses, ce qui compte c’est d’avoir repris la parole».
Guy Rouge
L’assemblée est projeté au City Club, à Pully:
Samedi 11 20 h 30
Dimanche 12 18 h 30
Mardi 14 20 h
Lundi 20 20 h
Vendredi 24 21 h