Révision totale de la Loi sur le CO2

Révision totale de la Loi sur le CO2 : C'est au pied du mur que l'on reconnaît le maçon

Voletant de conférence de presse en conférence internationale, Doris Leuthard va partout expliquant que la Suisse fait partie des bons élèves des Accords de Paris sur le climat. Pourtant le projet de révision totale de la Loi sur le CO2 montre à la fois les limites de cette prétention et celles des Accords eux-mêmes.


Doris Leuthard signe l’Accord de Paris à New York, le 22 avril 2016 – UN Web TV

On l’a dit en son temps, les Accords de Paris sur le climat ne sont pas contraignants. Ce sont les Etats signataires qui définissent la manière dont ils pensent pouvoir répondre aux exigences du type «limitation à 2ºC de l’augmentation de la température moyenne du globe à la fin du siècle». En Suisse, le principal levier d’action sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) est la Loi sur le CO2. La révision totale qu’en propose le Conseil fédéral ne permettra pas de répondre à l’objectif de limiter la hausse de la température à 2ºC. Sans parler de l’affaiblissement du projet auquel se livreront les Chambres fédérales.

Lever le pied du frein

Le Conseil fédéral propose certes une poursuite du ralentissement des émissions de GES, mais en levant un peu le pied par rapport à la période antérieure, correspondant aux engagements découlant du protocole de Kyoto. On continue de freiner, mais moins fort. Ce qui a pour effet de mettre hors de portée les objectifs des Accords de Paris. Selon le calcul fait par l’Alliance suisse pour le climat, il faudrait atteindre une réduction de 60 % des émissions de GES en Suisse en 2030. Le projet fédéral n’en vise que 30 %, y ajoutant 20 % supplémentaires provenant d’une baisse des émissions obtenue à l’étranger (par le biais des «attestations internationales»). Il manque donc une bonne moitié de la réduction nécessaire.

L’impasse des transports

Un bon exemple de cette manière de faire nous est fourni par les transports. Selon les chiffres du Conseil fédéral, ce secteur représente 32,1 % des GES en Suisse. Or l’essentiel de la réduction se fera par le biais de compensations à l’étranger, dont seront chargées les entreprises importatrices de carburant. Le régime des «attestations internationales» étant moins sévère que celui des anciens «certificats de réduction des émissions» et leurs règles devant encore être établies, on ne doute pas de l’efficience des mesures que prendront ces entreprises du secteur pétrolier…

Pour le reste, ce sont essentiellement des mesures concernant les émissions maximales de CO2 autorisées des voitures de tourisme qui seront prises, en coordination avec l’Union européenne. Aucune refonte de la conception d’ensemble de la mobilité n’est formulée. La bagnole reste reine, bien que ses producteurs aient longuement et récemment démontré leur mépris des contraintes légales («dieselgate»).

Le parlement fédéral débattra de ce projet de loi durant l’année 2018. Economiesuisse, qui veut que la réduction des émissions de CO2 se fasse le plus possible avec des «mesures rentables», a déjà demandé que les entreprises puissent choisir le lieu où les mesures de réduction seront prises. Le plus loin possible de tout contrôle, on suppose.

Daniel Süri