«Hey mad'moiselle, il se passe quoi avec le harcèlement de rue?»

Le 20 décembre dernier, suite à l’interpellation qu’avait émise Léonore Porchet sur le «harcèlement de rue» à Lausanne, la municipalité a présenté son plan d’action censé lutter contre le phénomène.


La police au front, seule solution?

Sur les quatre mesures proposées, trois font intervenir la police. Il s’agit de former «les acteurs de la sécurité […] à cette problématique», de renforcer les activités de la police dans les écoles lausannoises à travers de la prévention, et enfin de faire un suivi du phénomène sur la base des signalements qui lui ont été déclarés (en direct ou via une application). La quatrième mesure consiste elle en un flyer d’informations, «principalement destiné aux harceleurs potentiels», qui renseigne notamment sur les possibilités de poursuites pénales (lausanne.ch).

Renforcement du corps policier

Ces mesures contribuent donc à renforcer la présence de l’institution policière, puisque celle-ci devient l’acteur principal et essentiel de la lutte contre «le harcèlement de rue». Elle est de fait non seulement légitimée à intervenir dans l’espace public (au nom de principes féministes), mais est aussi habilitée à intervenir dans les écoles secondaires.

Par ailleurs, les deux dernières mesures traduisent la nature répressive et criminalisante de cette approche. On observe donc un glissement de la dénonciation légitime d’agressions sexistes dans l’espace public (même s’il faut interroger les raisons pour lesquelles c’est cette misogynie-là, de cette classe d’hommes en particulier, qui est saillante) à une extension des prérogatives de la police.

On pourrait plutôt poser la question du «harcèlement de rue» en d’autres termes: qui a accès à l’espace public? Ou plutôt, qui en est exclu? Dans cette perspective (qui permet notamment de considérer le harcèlement policier et les violences exercées envers les hommes non blancs, les travailleurs·euses du sexe, et.. les femmes), une stratégie faisant intervenir le corps policier ne saurait être une solution.

Quelle classe d’hommes est visée… et laquelle épargnée?

Par ailleurs, le mouvement féministe doit impérativement se questionner sur les raisons pour lesquelles le harcèlement sexuel de rue est une des formes les plus visibles du patriarcat (à la fois pour ses victimes et dans le débat public). En effet, comme ne cessent de nous le rappeler tous les discours racistes sur le sujet, ces comportements ne sont pas le fait de tous, mais bien d’une certaine classe d’hommes (principalement non blancs, et de classe populaire).

Par conséquent, cette misogynie, dont il ne s’agit pas ici de nier la violence, n’a guère de conséquences matérielles sur les personnes qu’elle vise, car les hommes desquels elle émerge n’ont pas ce pouvoir. A l’inverse, le harcèlement sexuel exercé dans d’autres cadres – soit celui qui nous coûte potentiellement un travail, un logement, etc. – ne fait, lui, pas l’objet d’un tel plan d’action.

Anouk Essyad