De nouvelles mobilisations sociales en Tunisie

Depuis le début du mois, de nouvelles mobilisations sociales ont secoué la Tunisie. Elles dénoncent la cherté de la vie et plus largement le durcissement de la politique d’austérité, après le vote de la loi de finances 2018.

Le budget adopté par la Tunisie pour 2018 suit à la lettre les instructions du FMI: il comporte notamment l’augmentation de nombreux impôts et taxes, dont une hausse de 1% de la TVA. Les manifestations se sont développées massivement après la mort, le 8 janvier, d’un manifestant dans la grande banlieue de Tunis, précédée deux jours plus tôt du suicide d’un jeune chômeur près de la frontière algérienne. Le gouvernement a d’abord répondu par la répression, arrêtant 773 personnes entre le 8 et le 11 janvier. Parmi ces dernières, un tiers ont moins de 20 ans.

Le pouvoir et les médias ont diabolisé les mouvements sociaux, parlant de «vandalisme». Membre du gouvernement, le mouvement islamique Ennahdha était parmi les plus véhéments, tenant pour coupables ceux qu’il appelle les «partis politiques à tendance gauchiste anarchiste». Dans l’espoir de faire retomber la pression, le gouvernement, le patronat et l’UGTT ont ensuite promis, le 13 janvier, quelques mesures pour les plus démuni·e·s. Ces dernières se font toujours attendre.

Fech Nestanaw (Qu’est-ce qu’on attend?), collectif de jeunes fondé le 3 janvier, a joué un rôle moteur dans ces mobilisations sociales. Il s’agit d’un groupe indépendant, mais dont la grande majorité des membres est de sensibilité de gauche. La plupart sont actifs dans le milieu universitaire et la société civile. On compte parmi eux plusieurs figures de la campagne Manich Msamah opposée à la loi sur la «réconciliation économique» (loi de blanchiment des corrompus de l’époque Ben Ali) et de Hassibehom, contre la répression policière.

Ce collectif demande l’abrogation de la loi de finances 2018, responsable de l’augmentation vertigineuse des prix de plusieurs produits de consommation courante et de la précarisation croissante des couches populaires. Depuis 2011, le coût de la vie a augmenté de 35% en Tunisie. La crise économique et la politique d’austérité ont entrainé des suppressions d’emplois et le blocage des embauches. Résultat: le taux de chômage atteint officiellement 15%, et même 30% pour les diplômé·e·s.

Le Front populaire, qui regroupe l’essentiel des forces politiques se réclamant de la gauche ainsi que des nationalistes arabes, s’oppose fermement à ce nouveau plan d’austérité. Comme les années précédentes, la totalité de son groupe parlementaire a voté contre la loi de finances. Avec ces mobilisations sociales, les classes populaires tunisiennes montrent à nouveau leur refus des politiques néolibérales et d’austérité promulguées par les classes dirigeantes tunisiennes et appuyées par les institutions financières et bailleurs de fonds internationaux.

Joseph Daher