Grèce/Macédoine
Derrière le nom, la chasse aux investissements
25 ans après les grandes manifestations nationalistes en Grèce, la droite tente un comeback sur la scène politique, profitant des marchandages du gouvernement Tsipras sur le nom de la Macédoine.
La statue d’Alexandre le Grand érigée en 2011 au centre de Skopje, rebaptisée depuis Statue du guerrier à cheval. – Diego Delso
Dimanche 4 février, la droite grecque organisait une grande manifestation nationaliste à Athènes, pour protester contre le droit de la République de Macédoine d’utiliser le nom «Macédoine», qu’elle partage avec une région du nord de la Grèce.
Le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, tente de régler la question comme une condition de l’adhésion de la Macédoine à l’UE et à l’OTAN.
A première vue, le rassemblement portait sur une question ridicule, deux pays avec un différend sur un nom. Mais il faut garder à l’esprit deux facteurs. La Grèce est membre de l’UE et de l’OTAN. C’est donc elle qui pose les conditions pour l’adhésion de la République de Macédoine afin que le capitalisme grec puisse gagner de l’influence dans les Balkans. Ce jeu de puissance est dirigé par le gouvernement Tsipras, qui brandit la menace d’un véto.
L’autre facteur est la politique interne en Grèce. Les organisateurs du rassemblement étaient des figures d’extrême droite, mais ils avaient l’appui du parti conservateur de la Nouvelle Démocratie (ND) qui aimerait faire son retour sur scène.
Un faux comeback
La direction de ND sait que les chances d’y réussir à travers les questions économiques sont maigres, car le parti s’était effondré il y a trois ans suite à la mise en œuvre des mesures d’austérité. Elle utilise donc la carte nationaliste, en prétendant que la Macédoine revendique ce nom pour réclamer une partie du nord de la Grèce.
C’est ridicule: le rapport de force militaire entre la Grèce et la Macédoine est largement en faveur de la première. L’idée que la Macédoine pourrait attaquer la Grèce est absurde.
En même temps, le rassemblement visait aussi à amener les gens de gauche en colère contre le gouvernement Syriza à participer à un rassemblement nationaliste. Ce qui n’a pas fonctionné. L’objectif était de mobiliser un million de personnes, mais environ 140 000 ont défilé. Cela semble énorme, mais l’appel n’a pas attiré un public plus large au-delà des forces que la droite peut mobiliser. Il a aussi servi de couverture à Aube Dorée, qui a pu faire sa première apparition publique dans un grand rassemblement depuis longtemps.
Macédoine
La gauche anticapitaliste grecque soutient que la Macédoine peut choisir n’importe quel nom. Elle s’oppose à l’UE et à l’OTAN, et estime que c’est au peuple macédonien de décider de son adhésion, et non au gouvernement grec.
En 1928, le révolutionnaire Pantelis Pouliopoulos – accusé d’avoir soutenu les séparatistes de Macédoine – écrivait «la défense du droit à l’autodétermination réoriente l’indignation de ceux qui sont nationalement opprimés, de la voie nationaliste à la voie anticapitaliste».
Il est aujourd’hui nécessaire que les classes travailleuses de la région luttent contre les nationalismes. Mais les mots de Pouliopoulos nous rappellent que la voie anticapitaliste passe par la lutte contre les campagnes nationalistes de sa propre classe dominante.
Dimitris Daskalakis