Vestiges coloniaux et science raciste à Neuchâtel
Le Conseil général de la ville de Neuchâtel a effectué une visite guidée de certains bâtiments payés par les revenus du commerce tirés de l’esclavage des noirs et le commerce triangulaire.
Louis Agassiz, scientifique neuchâtelois raciste
Le 9 mars 2003, notre camarade et pasteur Théo Buss dénonçait dans un prêche radiodiffusé les origines des fortunes de familles aristocratiques impliquées dans le commerce des esclaves noirs. Le scandale d’alors fut immense avec désaveu public du Conseil paroissial et crise dans l’Église réformée de la bonne ville de Neuchâtel. Quinze ans plus tard, les mentalités changent un peu avec une visite guidée donnée aux conseillères et conseillers exécutifs et délibératifs par Cooperaxion.
Le colonialisme a permis l’essor phénoménal du capitalisme commercial basé en Europe, notamment en Suisse et à Neuchâtel. La Ville doit ainsi une partie importante de son patrimoine bâti aux profits tirés des «affaires noires». L’expression, qui désigne le commerce des esclaves, illustre le discours des dominants, qui nomment volontiers les matières premières ou les produits manufacturés, mais taisent toujours les humains esclavagisés. Ce sont les descendant·e·s de ces mêmes familles qui refusent aujourd’hui d’ouvrir leurs archives familiales. Les fortunes du commerce triangulaire ne se sont pas évaporées dans l’espace-temps, mais constituent aujourd’hui encore les capitaux des multinationales suisses de l’extractivisme.
Au 19e siècle, Neuchâtel était aussi le premier fief de Louis Agassiz, géologue et zoologiste de réputation mondiale et partisan du Prince prussien de Neuchâtel. C’est le dernier adversaire sérieux des théories de l’évolution des espèces de Darwin. Sa théorie créationniste – le polygénisme – voyait en chaque espèce et race le produit d’une création divine, fondant le dernier racisme scientifique. Grand ennemi du métissage, il a largement défendu et théorisé les politiques de ségrégation raciale aux États-Unis.
Aujourd’hui, la thématique reste sensible à Neuchâtel: le portrait d’Agassiz vient d’être déplacé du hall d’entrée du Muséum d’histoire naturelle, mais la place qui héberge la Faculté des lettres et sciences humaines porte toujours son nom sans susciter de remarques, et son buste continue de veiller sur la Faculté de droit. Affaire à suivre dans les instances universitaires et communales.
Dimitri Paratte
Géologue et conseiller général