Ensemble à gauche et l'affaire Maudet
Ensemble à gauche et l'affaire Maudet : Une réprobation claire et nette du Parlement
Jeudi dernier, le Grand Conseil se prononçait en session spéciale sur une résolution impulsée par Ensemble à Gauche, soutenue par le PS, les Verts et le MCG, proposant de réprouver l’acceptation d’un cadeau d’une valeur de plusieurs milliers de francs par le Conseiller d’État Pierre Maudet. Avec le ralliement de l’UDC, c’est une large majorité (55 contre 36 et une abstention) qui a décidé d’envoyer un signal clair à la population, au Conseil d’État et au pouvoir judiciaire.
UN Jean-Marc Ferre
Avec ce vote, le Parlement a formellement réprouvé le comportement du Conseiller d’État Pierre Maudet dans l’affaire de son voyage à Abu Dabhi. Une réprobation nécessaire tant les versions contradictoires du Conseiller d’État ont jeté des doutes sur les événements et ses aveux ont suscité de vives réactions dans la population.
Ce vote est un signal clair à la population. Il confirme qu’il ne doit pas exister de différence de traitement entre les citoyen·ne·s et les élu·e·s du peuple et que ce qui est reprouvé pour les un·e·s l’est aussi pour les autres. Mais au-delà du symbole politique, c’est également un signal envoyé au Conseil d’État et au pouvoir judiciaire pour exiger une procédure au-dessus de tout soupçon. Le Ministère public est ainsi averti que le Parlement est disposé à assumer son rôle pour que cette affaire soit traitée avec transparence et sérieux. PaC
Une manifestation de mépris gouvernemental… Hors-la-loi!
Lors de la séance extraordinaire du Parlement convoquée largement à l’initiative d’EàG pour traiter de la résolution visant à «réprouver l’acceptation d’un luxueux cadeau par M. Pierre Maudet» aucun·e conseiller·ère d’État n’était présent, à commencer bien entendu par le principal intéresséÂ
Outre l’aspect symbolique de mépris pour le Grand Conseil et de récusation par le gouvernement de l’acte de haute surveillance sur le Conseil d’État que constituaient nos débats «extraordinaires», cette absence représentait une violation crasse de la loi.
En effet, la Loi portant règlement du Grand Conseil (LRGC) en son art. 63 dit que «Les conseillers d’État assistent aux séances du Grand Conseil.» La Cheffe du groupe EàG, Jocelyne Haller, a adressé le lendemain une lettre au bureau du Grand Conseil lui demandant, en substance, de taper sur les doigts du Conseil d’État à ce sujet et de lui rappeler que le respect de la loi n’est pas optionnel, pour lui comme pour les autres.
Pierre Maudet a quant à lui, le même jour, revendiqué a contrario ce boycott, irrespectueux tant de la loi que du Grand Conseil, en alléguant que le Conseil d’État «n’entendait pas par sa présence cautionner un simulacre d’instruction» de son affaire…
Rappelons-lui que l’«instruction» concernant les tenants et les aboutissants obscurs de son voyage devra être menée par la Justice, comme par la Commission de contrôle de gestion. Mais, pour ce qui est de la réprobation du «cadeau» ayant fait l’objet de la résolution votée en session extraordinaire du Grand Conseil… cet élément ne demande pas d’«instruction» particulière, il représente un sursaut légitime de la part d’un parlement qui ne veut pas qu’on le considère comme complice de comportements inacceptables d’un magistrat sur lequel il est censé exercer une haute surveillance! PV
Les conseillers d’État dispensés d’appliquer les lois à leurs proches collaborateurs·trices?
Le cas du chef de cabinet du Conseiller d’État Pierre Maudet, en passe de quitter ses fonctions, doit être analysé à la lumière des dispositions légales pertinentes qui n’ont semble-t-il pas été mises en œuvre. Il s’est en effet vu, toujours dans le cadre de ce fameux voyage à Abu Dahbi – financer un voyage privé et diverses prestations hôtelières et touristiques par un donateur privé pour un montant d’une dizaine de milliers de francs semble-t-il.
Or la loi (LPAC B5.05) dit qu’il est interdit aux membres du personnel de solliciter ou d’accepter pour eux-mêmes, ou pour autrui, des dons ou autres avantages en raison de leur fonction officielle et précise que la violation de ce principe peut entraîner une sanction pénale.
Les Instructions de l’Office du Personnel de l’État indiquent aussi que l’acceptation d’avantages personnels «immédiatement consommables» (tels que invitation le soir, le week-end, voyages, etc.) a pour conséquence un licenciement immédiat, sous réserve, à titre exceptionnel, d’une autorisation expresse du·de la supérieur·e hiérarchique.
C’est pourquoi le député Pierre Vanek a posé des questions écrites urgentes au gouvernement. Celles-ci reviennent sur cette situation et demandent des explications précises. Tout d’abord, elles interrogent le fait que le Conseil d’État n’a donné aucune suite administrative, lorsque l’affaire a été révélée publiquement. Cela amène évidemment à questionner l’existence d’une éventuelle «autorisation expresse du supérieur hiérarchique», en l’occurrence Pierre Maudet, qui, si elle existe, doit avoir un fondement sérieux permettant de justifier de couvrir une faute grave, susceptible de sanctions administratives et pénales. Mais encore plus, si une telle autorisation existait et qu’elle avait été délivrée par P. Maudet, la véritable question est de savoir si le Conseil d’État dans son ensemble cautionne cette façon de faire. Autant de questions qui ne devraient pas rester sans réponse.
Nous attendrons avec impatience ces réponses, d’autant que le serment des Conseillers d’État prescrit par la LRGC prévoit que ces derniers doivent «faire observer scrupuleusement la Constitution et les lois». Ainsi, dans cette affaire, l’absence de mesures prises par le Conseiller d’État principalement concerné et par l’ensemble du Conseil d’État ne constitue-elle pas une violation manifeste de la lettre et de l’esprit dudit serment prêté solennellement à Saint-Pierre devant le Grand Conseil en séance? PV