Monde du travail

Monde du travail : Les maçons remportent la première bataille

Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu une manifestation nationale des maçons aussi massive. Selon Unia, près de 18000 personnes ont fait le déplacement jusqu’à Zurich le 23 juin pour se faire entendre au siège de la Société suisse des entrepreneurs (SSE), faîtière des patrons du gros œuvre.

Alors que les entreprises de la construction engrangent des bénéfices année après année, l’appétit des patrons est sans fin. Les travailleurs et les travailleuses sont mis sous pression par l’explosion du travail temporaire et le licenciement de celles et ceux qui sont «trop âgés», tandis que leurs salaires continuent de stagner.

Depuis plusieurs mois, la SSE s’en prend brutalement aux salarié·e·s alors que la convention collective nationale de la construction (CN) arrive à échéance à la fin de l’année. Parmi les principales attaques, l’augmentation de la durée du travail (jusqu’à 60 heures par semaine) et le report de l’âge de la retraite anticipée de 60 à 62 ans.

Si l’on peut se réjouir du succès de la manifestation du 23 juin, qui dénote un regain en termes de mobilisation et de combativité, la posture essentiellement défensive des centrales syndicales est plus préoccupante. La campagne nationale d’Unia se concentre sur le maintien du contenu actuel de la CN et de la retraite à 60 ans. Les travailleurs·euses ont pourtant vu leurs conditions de travail se dégrader au cours des dernières années. Ils et elles ne veulent pas seulement le maintien des acquis, mais aussi des améliorations, à commencer par des augmentations de salaire.

Or, sans un durcissement de la mobilisation dans les mois à venir, il sera très difficile d’obtenir plus. On se demande d’ailleurs si les grèves de l’automne prochain, annoncées des mois à l’avance par les centrales syndicales, feront réellement mal aux patrons dans la mesure où ceux-ci auront tout le temps de s’organiser pour limiter leurs pertes.

Au final, il y a fort à parier que les acquis de la Fondation pour la retraite anticipée (FAR) seront finalement maintenus et les 60 heures par semaine abandonnées. Les syndicats crieront alors victoire et diront que la mobilisation a payé.

Ce scénario rappelle fortement les dernières négociations en 2015, tout comme les précédents renouvellements de la CN. À quelques mois de l’échéance, les patrons lancent des attaques brutales, les syndicats mobilisent pour défendre les acquis, et finalement l’essentiel est maintenu, en particulier la FAR. Ce même schéma est-il condamné à se répéter? Les syndicats pourront-ils (et voudront-ils) adopter une posture plus offensive? À Genève, des possibilités d’amélioration pour les travailleurs·euses semblent possibles, comme la participation des patrons au paiement des primes maladie ou encore la limitation du travail temporaire. Elles seront notamment le fruit de blocages de chantiers et d’actions musclées qui rompent avec l’habituelle stratégie syndicale.

Giulia Willig