Ryanair grippé par la lutte des classes

Depuis l’automne 2017, la direction de Ryanair fait face à des mouvements de contestation et de grève de son personnel dans plusieurs pays européens.

La demande croissante de pilotes, liée notamment à l’élargissement du secteur aérien vers la Chine et le Moyen-Orient, a posé les bases d’une inversion des rapports de force existant au sein de l’entreprise et d’une réaction en chaîne des salarié·e·s. En décembre 2017, l’entreprise est secouée par des mouvements de grève en Allemagne, une première historique en plus de 30 ans d’existence, et de menaces d’arrêt de travail en Italie. Cette combativité inédite a mené à de premières concessions patronales en termes de reconnaissance des syndicats. Au printemps, un peu partout en Europe les salarié·e·s débrayent (Irlande, Belgique, Espagne…), mais en avril, la grève est brisée au Portugal par l’embauche de travailleurs et de travailleuses d’autres pays. Les syndicats décident alors de promouvoir une grève paneuropéenne. La colère monte: les pilotes et le personnel de cabine exigent que le personnel de Ryanair relève du droit du travail du pays où il est logé (et non plus du droit irlandais), obtienne le droit à la Sécurité sociale (et notamment à la retraite) et de meilleures conditions de travail et de salaire (parfois seulement 800 euros par mois pour un steward!), et demandent que les syndicats soient reconnus et les sous-traitants Crewlink et Workforce inclus dans la négociation sociale. Les travailleurs·euses passent à l’action de manière coordonnée, d’abord avec le personnel de cabine en juillet – 600 vols annulés et 100 000 voyageurs·euses touché·e·s, une grève fortement suivie au Portugal, où 80% des travailleurs·euses sont à l’arrêt – puis chez les pilotes en août: 450 vols annulés et 75 000 voyageurs·euses touché·e·s.

Ce mouvement est d’autant plus exemplaire que Ryanair a développé une culture antisyndicale de longue date et utilisé toutes les techniques d’intimidation et de sabotage possibles, des menaces de licenciement et de délocalisation aux tentatives de faire interdire la grève en justice. Mais rien n’y fait: les syndicats ne lâchent pas et ont enchaîné une troisième journée de grève paneuropéenne le 28 septembre, précédée le 12 par une grève en Allemagne. Entretemps, Sarkis, militant du syndicat belge CNE, a été licencié pour s’être exprimé devant la presse. Michael O’Leary, l’actuel dirigeant de Ryanair, perd patience et supplie publiquement les syndicats de ne pas faire grève. Mais le 28 septembre, 250 vols sont annulés.

Tout comme les grèves et actions chez Walmart, Lidl, Deliveroo ou encore Mc Donalds, la lutte sociale chez Ryanair démontre encore une fois que les nouveaux modèles des entreprises capitalistes ne parviennent pas à mettre fin aux résistances des travailleurs·euses et que des victoires sont possibles.

Mauro Gasparini