Vers la grève

Vers la grève : Un parlement sourd à l'égalité

Le 24 septembre, le Conseil national a adopté par une faible majorité (108 voix contre 84) la version édulcorée d’une loi sur l’égalité. Le Parlement a ainsi ignoré les revendications scandées par plus de 20 000 personnes deux jours avant, à Berne.


Manifestation nationale pour l’égalité salariale entre hommes et femmes et contre les discriminations, 22 septembre 2018 – Jorge Lemos

Le projet initial prévoyait que les entreprises d’au moins 50 employé·e·s procèdent tous les quatre ans à des contrôles de l’égalité salariale entre femmes et hommes. Le Conseil des États a limité l’application de la loi aux entreprises de plus de 100 employé·e·s et annulé tout contrôle pour les entreprises pour lesquelles aucune discrimination salariale n’a été relevée lors d’un précédent contrôle. La durée d’application de la loi ne dépassera en outre pas 12 ans. Le Conseil national a ajouté son grain de sel en décidant de ne prendre en compte que les entreprises d’au moins 100 postes équivalent temps plein.

Deux pas en arrière…

Cette loi ne nous rapproche pas de l’égalité salariale. Elle ne s’adresse qu’à la part dite inexplicable des écarts salariaux, soit celle qu’on ne peut attribuer à des différences de formation ou d’expérience. Cet écart s’élève à 7,6% et relève de la pure discrimination, un point pourtant mis en doute par les parlementaires de droite, qui estiment que les interruptions de travail comme le congé maternité pourraient le justifier.

Les 12% restants de l’écart salarial global entre hommes et femmes – liés au temps partiel plus fréquent chez les femmes et aux postes précaires et sous-payés qu’elles occupent majoritairement – n’a, lui, même pas été discuté. La loi ne se penche par exemple pas sur les différences salariales par secteurs d’activité. Or non seulement les femmes sont toujours plus nombreuses dans les métiers peu rémunérés, mais les secteurs où elles sont actives sont dévalorisés à mesure qu’ils se féminisent.

La loi ne propose pas non plus de mesure efficace pour réduire les 7,6% de différences salariales qu’elle prétend cibler. La proposition initiale aurait concerné 2% des entreprises et 55% des employé·e·s. Le Conseil national a fini par accepter une version qui ne s’applique qu’aux entreprises comptant au moins 100 postes équivalent temps plein – soit moins de 1% des entreprises. Une décision qui pose deux problèmes majeurs.

D’abord, la loi ne couvre même plus la moitié des employé·e·s et seulement une part minuscule des entreprises. Or parce que l’égalité salariale est inscrite dans la Constitution, elle constitue un droit qui devrait être respecté par toutes les entreprises.

Ensuite, les postes à temps partiel sont beaucoup plus fréquents dans les domaines où les femmes sont surreprésentées. En fixant le seuil aux postes équivalent temps plein, on écarte les entreprises où les contrôles seraient les plus nécessaires. Pourtant, c’est aussi là qu’il serait le plus facile de procéder à des vérifications sur l’écart de salaire, car c’est dans ces secteurs qu’on trouve des femmes et des hommes aux profils et aux postes similaires.

Un Conseil national au service des entreprises

Même après avoir vidé de son contenu la loi sur l’égalité, les parlementaires UDC et PLR ont été nombreux et nombreuses à la rejeter. Ils et elles ont justifié leur opposition par l’effort bureaucratique que la loi imposerait aux entreprises. On constate ainsi que pour elles·eux, un jour de travail administratif effectué par moins de 0,85% des entreprises vaut plus qu’une discrimination salariale subie au quotidien par 50% de la population.

Cette loi ne prévoit en outre aucune sanction pour les entreprises où des différences salariales dites inexplicables seraient constatées. La charge de la preuve d’une discrimination revient toujours aux victimes. C’est toujours aux femmes de prouver les discriminations salariales qu’elles subissent et non aux entreprises de prouver l’absence de ces discriminations.

Ça suffit!

Voilà 37 ans que l’égalité salariale est inscrite dans la Constitution et que nous en sommes loin. Le 22 septembre, nous étions 20 000 sur la Place fédérale à dire haut et fort: « ça suffit! ». Nous exigeons l’égalité salariale maintenant! Nous exigeons la fin des discriminations institutionnelles qui pénalisent les femmes! Nous exigeons un congé parental, des places de crèche accessibles et une égalité réelle! Nous lutterons encore et partout contre les discriminations. Et notre combat passe par l’opposition radicale à la baisse massive de l’imposition des grandes entreprises aux dépens des services publics et des prestations sociales prévue par la RFFA. Aujourd’hui, il est temps de prendre notre sort en main et de nous organiser pour une grève féministe générale le 14 juin 2019!

Franziska Meinherz