Vers la grève

Vers la grève : Le 14 juin 2019 et l'USS - Un soutien à double tranchant

Un soutien à double tranchant

Lors de son dernier congrès début décembre, la plus grande faîtière syndicale suisse a timidement montré son soutien à la grève des femmes*/féministe, qui se prépare pour le 14 juin 2019.

En acceptant les résolutions portées par UNIA et le SSP, l’Union syndicale suisse (USS) a décidé que, dans l’objectif de « soutenir efficacement les fédérations dans leur mobilisation pour la grève des femmes et d’accroître la visibilité publique de leurs actions, [elle] met en place un secrétariat de grève doté de ressources supplémentaires en personnel, pour renforcer les ressources actuelles destinées à l’égalité ». Quelques jours après le congrès, une annonce pour un poste de responsable de campagne pour la grève des femmes a été diffusée.

Il est évident que l’USS comptait s’impliquer au sein du mouvement. Néanmoins, quand on y regarde de plus près, on observe une certaine méfiance. Sur leur site, la principale voire unique revendication concernant les inégalités tourne autour de l’égalité salariale et du renforcement de la LEg. En témoigne également la campagne #enough mise en place par l’USS le 1er mai 2018 et lors de la manifestation nationale du 22 septembre.

Nous ne remettons pas en cause l’importance de cette revendication pour les travailleuses de ce pays, mais cette inégalité salariale n’est que l’arbre qui cache la forêt. On pourrait rétorquer que c’est le rôle des syndicats que de tabler sur cette question et que le reste des revendications peuvent être portées par d’autres composantes de ce mouvement. Mais ce serait oublier que de multiples revendications peuvent et doivent être reliées à l’oppression des femmes sur le marché du travail. C’est notamment le cas en ce qui concerne les assurances sociales, le temps de travail ainsi que la socialisation des tâches du care.

Quant à la mise en place du poste de responsable de campagne pour la grève des femmes* 2019, restons prudent·e·s. Depuis le début de ce mouvement, il a fallu monter une multitude de projets et d’actions qui se sont révélés chronophages et très gourmands en investissement. Certes, l’idée que certaines tâches soient assurées par des personnes salariées à cet effet est intéressante, mais on voit mal comment un poste mis en place sans consultation de la base – c’est-à-dire des centaines de femmes* qui s’investissent depuis des mois au sein des divers collectifs locaux – puisse réellement répondre aux besoins de ce mouvement.

En outre, la dynamique de la construction de la grève essentiellement locale ne saurait que faire d’un seul poste à Berne, essentiellement déconnecté des activités de la base du mouvement. Une base qui s’affaire depuis des mois à constituer des groupes de fundraising pour répondre aux nombreux besoins de la grève.

Mais le plus alarmant reste sans doute l’antagonisme de base entre les dynamiques des collectifs et les intérêts bien compris de l’USS, tant et si bien que l’on ne peut que craindre que celle-ci ne vise à impulser un virage à droite de la grève sous prétexte de proposer des solutions qui conviennent « à tout le monde ». En effet, le mouvement, en tout cas en Suisse romande, est construit sur des revendications fortes et diverses concernant l’entier de la vie des femmes* – une conception qui ne peut ni convenir ni correspondre à une faîtière qui a soutenu RFFA et PV 2020.

Le processus de construction de l’année de grève des femmes*/féministe provient d’une forte poussée de la base, de son enthousiasme et de ses propositions, et cette base compte bien en finir avec un système de compromission et de pactisation avec la droite bourgeoise.

Rosine Tall et Léonie Trots