Une initiative équivoque et insuffisante

L’association suisse pour la protection du climat récoltera des signatures pour son «Initiative pour les glaciers» dès ce printemps. Son objectif est d’«ancrer les objectifs de l’Accord de Paris dans la constitution fédérale».

L’interdiction d’ici 2050 des combustibles et carburants fossiles en Suisse est la mesure centrale et la plus intéressante de l’initiative. Pourtant, la fin du chauffage et du transport fossiles ne pourra se faire sans investissements colossaux. L’initiative ne dit rien sur la répartition de cette charge entre collectivités et propriétaires. Une question primordiale pourtant: qui payera cette crise du capitalisme dépendant du pétrole?

Initialement, le texte intégrait la régulation du marché financier pour lutter contre le réchauffement. Les initiant·e·s y ont renoncé pour ne pas multiplier les oppositions. Renoncement considérable alors que les activités gérées par la place financière suisse ont un impact équivalent à 20 fois les émissions domestiques de la Suisse

Puits et discours creux

Parallèlement à la réduction des émissions, l’initiative veut atteindre son objectif grâce à l’utilisation de « puits sûrs de carbone en Suisse ». Ce qui signifie au mieux la plantation de forêts, au pire les méthodes artificielles de séquestration du COâ‚‚. Sur ce point, elle s’oppose à une revendication du mouvement pour la grève climatique, qui rejette à juste titre le recours à la géoingéniérie. Les appels vides et génériques dans l’initiative au «renforcement de l’économie acceptable du point de vue social» et à la «promotion de l’innovation et de la technologie» sont tout autant équivoques.

Les initiant·e·s ont préféré s’unir autour d’un objectif de conservation de la nature que de poser le débat en termes de projet politique transformateur. Limiter le capitalisme dans des marges de destruction acceptable – comme si cela était possible.

Quelles perspectives?

La massification des mobilisations écologistes ne saurait attendre un projet constitutionnel parfait. L’initiative concrétise partiellement l’une des trois revendications du mouvement pour la grève climatique: la neutralité des émissions de gaz à effets de serre. Le rapport de force social et politique pour socialiser les moyens de productions énergétiques et faire disparaître les activités inutiles et destructrices ne pourra se gagner que dans la rue et dans l’organisation d’une génération en lutte pour son avenir.

Nous soutiendrons peut-être cette initiative, sans enthousiasme, afin qu’un débat sur la sortie rapide des fossiles permette la construction d’un pôle d’écologie politique et écosocialiste dans un contexte de forte mobilisation sociale.

Dimitri Paratte