Attentat islamophobe de Christchurch
Attentat islamophobe de Christchurch : «Cela ne pourrait jamais arriver ici»
Depuis la Nouvelle Zélande, Maria Hoyle, journaliste, et Elliot Crossan militant du syndicat Unite, membres de l’organisation Socialist Aotearoa, reviennent sur cette tragédie et ses causes.
Neuf minutes avant l’attaque, l’assassin envoyait à une trentaine de personnes, dont la première ministre du pays, un manifeste qui reprenait tous les mensonges racistes propagés par les droites en Europe, aux USA et en Australie.
Lorsque le gouvernement Trump ferme les frontières aux familles venant de pays «musulmans», et que les gouvernements européens fixent des quotas de réfugié·e·s selon leur religion, lorsqu’en France l’Islam est transformé en un ennemi interne, personne ne peut prétendre que la responsable pour cette tragédie était la «folie» de l’assassin.
Lorsque ce que l’on croyait impossible en Aotearoa (nom du pays en maori) est survenu il y a trois semaines à Christchurch, notre «paradis du Pacifique» a été bouleversé. Beaucoup de gens croyaient que «cela ne pourrait jamais arriver ici». À tort.
La matinée du 15 mars, des milliers d’élèves étaient en grève dans les rues d’Aotearoa contre le changement climatique. Pour beaucoup, il s’agissait de leur toute première expérience politique. Puis la nouvelle est tombée: 51 personnes venaient d’été assassinées. Un changement violent: de l’optimisme extrême à l’horreur, à la rage.
Racisme institutionnel et crise
Aotearoa n’est pas à l’abri du racisme. Non seulement le racisme est répandu, mais nos propres dirigeant·e·s sont coupables d’avoir suscité un sentiment anti–islam.
Le vice-premier ministre, Winston Peters de New Zealand First, a une longue histoire de dénigrement des musulman·e·s. En 2005, il avait prononcé un discours intitulé «La fin de la tolérance», lors duquel il disait que «la Nouvelle–Zélande n’a jamais été une nation d’immigrés islamiques!»
Mais ce ne sont pas seulement les musulman·e·s qui ont été ciblés par ces attaques. En 2015, Phil Twyford des Travaillistes affirmait que 40% des 4 000 maisons vendues à Auckland avaient été achetées par des personnes portant «des noms à consonance chinoise». Ses commentaires s’inscrivaient dans la campagne contre les migrant·e·s – boucs émissaires de la crise du logement.
Les salaires à Aotearoa stagnent depuis les années 90. Nous avons la pire crise du logement dans la zone de l’OCDE, avec 40 000 personnes sans abri. 700 000 personnes vivent dans la pauvreté, dont 220 000 enfants. Les problèmes de santé mentale sont monnaie courante.
Mais les migrant·e·s ou les musulman·e·s ne sont pas les responsables. Les véritables coupables sont les riches et les puissants – les patrons et les propriétaires qui ont truqué l’économie dans leur propre intérêt, et les politiciens qui les ont aidés.
Une première réponse
Quand nous manifestions contre la visite des orateurs de l’extrême droite canadienne, l’on nous disait que nous étions des ennemi·e·s de la «liberté d’expression». Lorsque Love Aotearoa Hate Racism (LAHR) – un front uni d’organisations religieuses, de syndicats, de travailleurs·euses, migrant·e·s, d’organisations juives, de Tangata Whenua et d’autres – avertissait de la menace croissante de voyous nazis dans nos rues, ils ont été ignoré·e·s.
Les rassemblements et les veilles de masse ainsi que la solidarité de la part de Kiwis ces trois semaines après les attentats sont une source d’espoir. L’énorme manifestation organisée par LAHR à Auckland il y a deux semaines, où le chant «unissons-nous, unissons–nous, luttons contre la droite!» a résonné parmi les milliers de personnes, est une première réponse dans le bon sens.
Mais nous ne pouvons pas être complaisant·e·s. Alors que les médias rapportaient que des groupes de droite «fermaient boutique» à la suite des attaques, des affiches des nationalistes blancs étaient placardées à Wellington et à Auckland.
Ces éléments d’extrême droite ne se sont pas et ne seront pas simplement «dissous». Nous devons tou·te·s nous organiser et combattre le racisme et le fascisme pour éliminer ce fléau parmi nous.
Maria Hoyle Elliot Crossan